Réforme du droit de la famille : le Barreau d’Arthabaska prend position

Réforme du droit de la famille : le Barreau d’Arthabaska prend position
André Komlosy (Photo : Gracieuseté)

DROIT. Le Barreau d’Arthabaska a décidé de prendre position et de suivre de près l’évolution du projet de réforme du droit de la famille que le gouvernement du Québec s’apprête à initier cet automne.

«La ministre de la Justice du Québec, Sonia Lebel, a effectué une tournée de consultation ces derniers mois mais malheureusement la région du Centre du Québec, couverte par le Barreau d’Arthabaska, en était exclus. Nous avons donc décidé de mettre sur pied un comité sur le droit de la famille composé d’avocats de notre région afin de faire valoir notre opinion sur cette importante réforme à venir. Cela s’est traduit par l’envoie d’une lettre à la ministre de la Justice du Québec contenant des observations et commentaires», a indiqué le bâtonnier du Barreau d’Arthabaska, Me André Y. Komlosy.

Le premier élément qui est ressorti des travaux du comité est la nécessité que la notion de conjoints de fait soit clairement définie au Code Civil du Québec (CCQ), ce qui n’est pas le cas actuellement.

Le comité croit également que cette définition doit s’appliquer non seulement au Code civil du Québec et aux différentes législations ou réglementations connexes, mais à toutes les lois et règlements du Québec, quels qu’ils soient.

«Si la notion de conjoints mariés est identique dans toutes les législations du Québec, ainsi doit-il en être pour la notion de conjoints de fait. Nous ne pouvons, par exemple, considérer ni expliquer que la notion de conjoints de fait pourrait être différente dans la Loi sur les impôts que celle dans la Loi sur les rentes du Québec ou de toute autre loi au Québec», a précisé le bâtonnier.

Non à un nouveau régime pour les conjoints de fait

Les membres du comité ont également constaté qu’aucune étude, consultation ou sondage ne semblent avoir été effectuée auprès des conjoints de fait.

«Devant ce vide, n’y a-t-il pas lieu de se demander si les conjoints de fait demandent quelque chose et, si oui, que demandent-ils? Si l’on considère que des obligations alimentaires et des obligations patrimoniales constituent un régime de protection, quelle est la protection que les conjoints de fait demandent? En l’absence de réponse à ces interrogations, nous ne pouvons que spéculer sur leurs besoins», a poursuivi Me Komlosy.

En prenant pour acquis que les conjoints de fait demandent une protection automatique, le Barreau d’Arthabaska s’oppose fermement à la proposition du comité ministériel qui propose la création d’un nouveau régime spécifique et différent pour les conjoints de fait que celui des conjoints mariés.

Il estime que non seulement cela créerait des droits différents susceptibles de créer des inégalités mais cela serait, par conséquent, constitutionnellement insoutenable.

«Bien que cette nouvelle institution puisse se concevoir aisément en théorie, nous savons tous que l’arrivée d’une telle nouveauté créera une judiciarisation incroyable des débats, amenant ainsi un coût énorme pour les justiciables, un encombrement des tribunaux ainsi que des délais d’attente indus dans le règlement des dossiers, a-t-il ajouté. Ceci n’est pas dans l’esprit et la philosophie du nouveau Code de procédure civile.»

Les mères porteuses

Le barreau d’Arthabaska a soulevé, auprès de la ministre de la Justice, des inquiétudes au sujet de certaines dispositions concernant les mères porteuses.

Notamment, le Barreau trouve inconcevable que la mère porteuse puisse révoquer son engagement contractuel et qu’au surplus le père soit, dans un tel cas, tenu aux mêmes obligations que dans le cas d’une filiation traditionnelle. Le Barreau se questionne à savoir quel impact une telle situation aura sur l’enfant qui devra vivre entre une mère contractuelle déchirée, le père et la mère porteuse.  À titre de piste de solution, le Barreau d’Arthabaska avance que la mère porteuse ne devrait pas pouvoir porter un enfant issu d’un ovule lui appartenant. D’ailleurs, le Barreau d’Arthabaska se questionne à savoir si le titre de mère porteuse ne devrait pas être revu pour parler plutôt de la notion de femme-porteuse.

«Nous sommes préoccupés par le marchandage qui pourra survenir suite à l’introduction des nouvelles dispositions qui seront adoptées. Nous suggérons que toute notion de lucre ou d’activité commerciale devront être proscrite et interdite», a précisé Me André Komlosy.

Filiation de l’enfant né d’une procréation naturelle

Le Barreau d’Arthabaska est d’avis que la pré-déclaration de paternité devrait obligatoirement être signée par les deux (2) parents lorsque ceux-ci ne sont pas conjoints de faits. Autrement, il est d’avis qu’un engorgement des tribunaux pourra être créé par une multiplication des demandes en désaveu de paternité. «Puisque cette solution renverse le fardeau de preuve sur le père, nous soumettons que, sans cette obligation, on assistera dans le cadre de ces demandes en désaveu, à des recrudescences de preuves de mauvaise réputation de la mère», ajoute le principal intéressé.

Cela dit, le Barreau d’Arthabaska entend suivre de près l’évolution de ce projet de réforme et interviendra, le cas échéant, afin de faire valoir le point de vue de ses membres et s’assurer que l’intérêt public soit toujours tenu en compte ainsi que les réalités propres à notre région.

Précisons que le comité sur le droit de la famille est composé de Me Isabelle Bonin et du Bâtonnier André Y. Komlosy du district de Drummond, de Me Jean-Marie Fortin et Me Serge Larose du district de Frontenac (Thetford Mines) et Me Annabelle Larouche du district d’Arthabaska (Victoriaville).  Rappelons que le Barreau d’Arthabaska, qui existe depuis 135 ans, regroupe près de 250 avocats répartis dans trois district judiciaire : Drummond, Arthabaska et Frontenac. (LT)

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