Violée au GHB : «C’est un crime vicieux»

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Par Frederic Marcoux
Violée au GHB : «C’est un crime vicieux»
Une victime a accepté de se confier sous le couvert de l'anonymat. (Photo : Ghyslain Bergeron)

PRÉVENTION. Le GHB est beaucoup plus présent qu’on peut le penser. Une Drummondvilloise qui a été droguée trois fois à son insu veut donner un sens à un chapitre sombre de sa vie, en racontant son histoire pour éviter qu’il y ait d’autres victimes.

Le GHB, cette drogue liquide ou en poudre, inodore et incolore, connue sous le nom de drogue du viol, sévit dans la région. Une dame âgée dans la quarantaine qui a préféré garder l’anonymat l’a appris à ses dépens plus d’une fois.

«Avec le GHB, c’est comme si tu étais consentante, même si tu ne l’es pas. Tu es coma et tu n’as plus ton cerveau. C’est un crime vicieux», explique-t-elle d’emblée.

Marie (nom fictif) aurait d’abord été intoxiquée au GHB, il y a quelques années, lors d’une soirée dans une résidence privée, puis violée par un homme. Des amis communs lui ont confirmé qu’un individu s’était procuré du GHB et de l’ecstasy pour cette soirée.

Se sentant dépressive par la suite, elle a demandé de l’aide au Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC). «J’avais de la colère et j’avais de la misère à regarder mon corps dans le miroir avant d’aller voir le CAVAC, confie-t-elle. Tu fais des cauchemars, tu ne te reconnais plus. C’est un combat de tous les jours.»

«Je serais six pieds sous terre»

À une deuxième occasion, plusieurs années plus tard, Marie faisait confiance à un ami qu’elle a invité chez elle, puisqu’il vivait une période difficile dans sa vie. Il connaissait son passé. Même si elle n’avait jamais eu de relation sexuelle avec lui auparavant, elle ressentait soudainement l’envie de se coller, après n’avoir consommé que très peu d’alcool. Elle n’a pas eu de black-out, mais se souvient de s’être sentie sans énergie, très rapidement, même si elle tolère très bien l’alcool habituellement. Elle se rappelle que l’homme se montrait particulièrement insistant pour qu’elle finisse son verre. Il aurait ensuite profité de son intoxication pour avoir des rapports sexuels.

«On m’accuse de ne pas avoir accepté le fait que j’ai ouvert mes jambes. Des proches me disent : “Franchement, tu ne penses pas à lui pour l’accuser comme ça”. Par chance, il y a d’autres personnes dans mon entourage qui me soutiennent et qui savent que je suis une femme droite. Les employés du CAVAC m’aident aussi énormément. Sans eux, je peux dire que je serais six pieds sous terre», laisse entendre Marie, la gorge nouée, peinant à retenir ses larmes.

À la suite de ces événements, Marie a décidé d’acheter un test sur internet pour détecter la présence de GHB dans une boisson.

Des tests sont aussi disponibles en pharmacie. En déposant une goutte de la boisson contenant du GHB sur celui-ci, la surface passe du blanc au bleu.

Marie a utilisé le test et, malheureusement, son cauchemar s’est répété d’une façon presque identique, récemment, pour une troisième fois. Cette fois-ci, elle a été en mesure de valider ses soupçons, dès le lendemain matin, lorsqu’elle a testé ce qui restait de sa consommation. Positif : il y avait bel et bien du GHB à l’intérieur.

«J’ai pu me prouver que ce n’était pas dans ma tête», indique la principale intéressée, qui compte également faire analyser une mèche de cheveux pour détecter la présence de GHB et ainsi confirmer qu’elle a été droguée une fois de plus. Cette drogue demeure présente dans le sang et l’urine pendant quelques heures seulement. Cependant, elle peut être présente dans les cheveux pendant plusieurs semaines.

Marie se dit que cette preuve supplémentaire pourrait lui être utile, si elle décidait de poursuivre le troisième agresseur en justice. La quadragénaire songe désormais à cette possibilité, mais elle veut attendre d’être assez solide mentalement avant de mener cette bataille.

«Quand je les confronte et que je m’affirme, les trois hommes nient tout, souligne-t-elle. Ils font leur innocent et ils se demandent pourquoi j’agis comme ça en me disant que j’étais consentante. J’ai toujours dit au CAVAC que, si l’un d’eux a fait une autre victime, je serais prête à mener la bataille avec elle en justice. C’est trop gros pour moi de mener le combat seule. J’ai de la misère à faire mal à quelqu’un dans la vie, même à ces gars-là. J’ai toujours espoir qu’ils changent.»

Sa mission

Alors qu’elle se sent de plus en plus forte, Marie veut donner un sens à ce qui lui est arrivé. Elle a fait part au CAVAC de sa volonté de donner des conférences auprès de jeunes filles dans les écoles de la région. La dame insiste sur le fait qu’elle est le parfait exemple pour illustrer qu’une personne risque de se faire droguer au GHB, même si elle ne se trouve pas dans un bar.

«Mon but est d’informer les gens, explique Marie. Ça peut arriver n’importe où et avec des gens de toutes les tranches d’âge. Les gens devraient avoir un test en leur possession pour pouvoir vérifier dès que possible leurs consommations. Il y a plusieurs personnes qui ignorent l’aide qu’elles peuvent recevoir avec le CAVAC. À long terme, je veux guérir et sensibiliser la population pour faire la différence.»

Une drogue dangereuse

Le gamma-hydroxybutyrate (GHB) peut causer plusieurs symptômes tels qu’un calme inhabituel, une euphorie ou une disparition totale de la gêne.

«Il agit sur le système nerveux central en engourdissant le cerveau et en ralentissant le fonctionnement du corps», peut-on lire sur le site Internet du gouvernement du Québec.

La victime peut se sentir davantage fatiguée qu’à la normale, en plus de ressentir des sautes d’humeur. Si le GHB est consommé en trop grande quantité, il peut entraîner une perte de conscience, des difficultés respiratoires et même la mort.

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