Le rêve de Sylvie

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Par Ghyslain Bergeron
Le rêve de Sylvie
Denis et Sylvie étaient mariés depuis deux ans. (Photo : Gracieuseté)

Un «roadtrip», qui devait s’avérer un rêve réalisé, a plutôt tourné au cauchemar pour un couple de Drummondville. Sylvie Corriveau, 45 ans, a perdu la vie en chemin, lors d’une violente collision sur une route du Tennessee, aux États-Unis. Un an plus tard, son conjoint réalise à quel point il a eu besoin des autres pour se relever de  ce drame.

Avril 2018. Denis Grenier et sa conjointe Sylvie Corriveau prennent la route des États-Unis à bord d’un petit utilitaire sport avec l’objectif de prendre en photo de magnifiques paysages chez nos voisins du Sud.

Après deux semaines, le voyage s’achève alors qu’ils se trouvent en Nouvelle-Orléans.

«On avait pensé aller à Disney, mais ça aurait coûté trop cher pour rien. Alors, Sylvie m’a proposé de passer quelques jours en Nouvelle-Orléans. Par la suite, on s’est dirigé vers Memphis, au Tennessee. Nous sommes arrivés en soirée et on a dormi là.

La dernière photo du couple prise au Hard Rock café de Memphis, peu avant l’accident mortel.

Le lendemain, on a mangé au restaurant Hard Rock Café où on a immortalisé notre passage dans un «photobooth». Ce fut notre dernière photo ensemble…», a exprimé M. Grenier.

Le couple a quitté le restaurant vers 13 h et a emprunté l’autoroute. Environ 90 minutes plus tard, un ralentissement a obligé M. Grenier à effectuer une manœuvre sur la gauche en raison de la fermeture de la voie de droite.

«Ça allait bien. Je m’étais tassé de façon sécuritaire. J’étais arrêté depuis seulement quelques secondes quand un gros camion cube nous a violemment percutés par-derrière. Nous étions dans une zone où la limite permise était de 100 km/h. Ma Sylvie n’a eu aucune chance. Le pare-chocs arrière de mon véhicule touchait aux sièges avant. Elle respirait encore, mais son décès a été constaté à l’hôpital», a-t-il raconté.

En plus d’avoir perdu la femme qu’il avait rencontrée quatre ans auparavant et qu’il a mariée en septembre 2016, il a dû passer sous le bistouri dans un hôpital de Memphis.

«J’ai été très bien soigné. Le médecin m’a dit que si ma colonne avait été touchée un peu plus haut ou plus bas, je serais paralysé aujourd’hui. Les fractures étaient importantes. Ils m’ont mis des vis dans le dos. Malgré ça, je sortais de l’hôpital six jours plus tard», a-t-il ajouté.

L’un des fils de M. Grenier s’est rendu à son chevet et l’a aidé à rentrer au pays. Un policier compréhensif a eu l’amabilité de rapporter quelques effets personnels, dont l’appareil-photo de la défunte, avant que la voiture ne soit réquisitionnée pour l’enquête. «Il va au moins me rester ça de Sylvie.»

Le véhicule utilitaire du couple a été démoli lors de l’accident.

L’importance de bien s’entourer

Même si Denis Grenier était rentré à la maison, il a eu la lourde tâche de gérer la situation.

«C’était un fardeau. En plus des douleurs physiques, la médication, et tout ce que tu peux imaginer, il fallait que je contacte la SAAQ, mes assurances, mon employeur et que je me trouve de l’aide. Je dois avouer que j’ai eu une énorme vague d’amour et de compréhension de la part de mes proches et mes amis, tant en personne que sur les réseaux sociaux. Je me considère chanceux de les avoir eus», a-t-il fait savoir.

Au travers les rendez-vous de physiothérapie et d’ergothérapie, Denis Grenier a lentement repris son rythme de vie.

«Il ne faut pas avoir peur de parler. Je suis sorti souvent avec des amis. Ils venaient me chercher pour me changer les idées. À vrai dire, je n’ai jamais bu autant de bière! J’ai aussi eu l’esprit en paix parce que j’avais une bonne assurance. Il ne faut pas quitter le pays sans assurance, car je n’ose même pas imaginer tous les frais que j’aurais eu à payer lors de mon séjour à l’hôpital», a ajouté l’homme de 58 ans.

Les chevaux et le soleil, une photo réalisée par Sylvie Corriveau.

Un long deuil

Les semaines ont passé et pratiquement tous les jours un clin d’œil rappelle à Denis Grenier le triste événement.

«Ç’a prit quelque temps avant de pouvoir récupérer les cendres de Sylvie. J’appelais souvent la poste pour demander si c’était arrivé. Ils ont fini par me connaître. Quand je suis allé récupérer le paquet, je me suis mis à pleurer. L’employée était tout aussi troublée par la situation», a-t-il expliqué.

Ce n’est qu’au début du mois de juillet que les effets personnels de sa douce ont commencé à arriver. Une valise a été perdue et retrouvée. Le livreur n’a pas laissé la boîte à l’adresse comme prévu. Autant de situations qui ont rendu la tâche encore plus difficile.

«J’ai reçu trois grosses boîtes d’environ 80 livres chacune sur quelques jours. Toutes les fois que j’en ouvrais une, je devais replonger difficilement dans mes souvenirs. Le matériel était brisé, moisi, endommagé par l’accident ou l’entreposage négligeant», a-t-il confié.

L’avenir

Denis Grenier est maintenant retraité en raison de sa condition physique. «Je suis à 75 ou 80 % de ma capacité, mais je ne peux pas soulever de lourdes charges. Aussi, quand je suis longtemps debout et immobile, je souffre. Parfois, les gens me disent que je suis chanceux d’être à la retraite, a dicté M. Grenier. Mais pour être franc, j’échangerais cette liberté et les prestations contre ma Sylvie.»

Son cœur est toujours libre un an et demi plus tard et il se sent prêt à rencontrer une nouvelle flamme. «Je sors et oui, j’ai rencontré des gens. L’avenir reste inconnu. Je verrai avec le temps. Je suis en paix avec le décès de Sylvie, car seulement quelques minutes avant l’impact, comme si elle l’avait pressenti, elle m’avait remercié de lui avoir fait vivre ce beau voyage. Qu’elle avait réalisé un rêve lors de cette escapade», a terminé le Drummondvillois.

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