Vols à l’étalage : le cauchemar des commerçants

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Par Frederic Marcoux
Vols à l’étalage : le cauchemar des commerçants
Le directeur général de Canadian Tire, Hugo Bergeron. (Photo : Frédéric Marcoux)

Un vol à l’étalage, un crime banal pour certains. Pourtant, les commerçants n’entendent pas à rire.

Des gérants de commerces drummondvillois ont accepté de lever le voile sur ce qu’ils qualifient de «fléau» en région.

«On perd chaque année des dizaines de milliers de dollars. On s’approche même des six chiffres», informe le directeur général de Canadian Tire, Hugo Bergeron.

En poste depuis 12 ans à Drummondville, il a vu l’entreprise prendre le taureau par les cornes, au cours des cinq dernières années, en investissant massivement dans l’achat de caméras de surveillance. Celles-ci ont d’ailleurs permis d’arrêter quelques fautifs. Malgré les efforts déployés, le problème demeure entier.

«Oui, il y en a de plus en plus chaque année, affirme M. Bergeron sans hésiter. On s’est équipé pour trouver des solutions, on s’en remet à la technologie. Il y a toutefois des régions pires que la nôtre. Dans certains secteurs défavorisés de Montréal, certaines succursales de Canadian Tire enregistrent trois ou quatre fois plus de vols que nous, et ce, même si elles ont un volume de ventes moins élevé qu’ici.»

Le directeur général croit fermement qu’une prise de conscience collective s’impose. Il rappelle que ces larcins ont comme conséquence de faire augmenter les prix des articles pour les consommateurs, en plus de monopoliser plusieurs ressources étatiques.

«La société doit se rendre compte que c’est grave et que ça coûte cher à tout le monde de procéder à des arrestations et de poursuivre les individus en justice, martèle Hugo Bergeron. C’est hyper banalisé. Les fautifs s’en sortent avec une tape sur les doigts et les conséquences sont presque nulles.»

Le gérant de la succursale de la Société des alcools du Québec (SAQ) situé sur le boulevard Saint-Joseph, à Drummondville, Éric Lengel, abonde dans le même sens. Refusant de divulguer des détails concernant le commerce, il a toutefois accepté de partager sa vision de la problématique qui transcende les conséquences sur le plan législatif.

«Ça gangrène la force de travail des employés qui doivent porter une attention particulière aux vols», image-t-il.

«Il faut que ça change»

Quant à Stéphan Blanchette, propriétaire du dépanneur Voisin, qui gère également une station d’essence Esso et un lave-auto situés sur le boulevard Saint-Joseph à Drummondville, il estime qu’il «n’y a pas de réprimandes assez sévères» pour le moment et qu’il «faut que ça change».

Quelques heures avant de s’entretenir avec L’Express, deux ravisseurs avaient d’ailleurs commis un vol dans son dépanneur. Prenant son courage à deux mains, il a décidé d’embarquer dans son véhicule pour poursuivre l’homme et la femme dans les rues à proximité, à leur insu, et a attendu l’arrivée des policiers, qui ont ensuite arrêté les fautifs.

«Si tu ne t’occupes pas de ces pas bons-là, et qu’il y a une rumeur qui circule entre eux comme quoi c’est facile de voler chez vous, t’es faite! Chaque fois que je pogne quelqu’un, je fais une plainte», assure Stéphan Blanchette.

Qualifiant la situation de «pathétique», en raison des malfaiteurs de tout âge qui sévissent, celui-ci insiste sur le fait qu’il fait face régulièrement à des bandits habitués de dérober des biens. Ils connaissent le système judiciaire. M. Blanchette n’est toutefois pas en mesure de quantifier les pertes annuelles pour son dépanneur.

«On est loin des petits vols d’adolescents, convient-il. On a souvent affaire à des habitués qui proviennent de milieux défavorisés et qui sont intoxiqués. Un policier m’a fait remarquer que “la vie coûte de plus en plus cher à Montréal. Les gens défavorisés s’en viennent à Drummondville, parce que c’est moins cher”. Ça crée une clientèle plus propice à ça.»

Ainsi, selon lui, la solution passe par le système judiciaire.

«Il y en a qui ont peur d’avoir un dossier criminel, mais pour ceux qui en ont un et qui constatent les sanctions, ils peuvent s’en “contrefoutre” complètement. Si tu roules dix kilomètres de trop sur une autoroute, tu reçois une contravention. Cependant, si tu voles un dépanneur, parfois, ça s’arrête là. Une réflexion de société s’impose», conclut Séphan Blanchette.

Le Code criminel canadien stipule que quiconque est reconnu coupable par voie sommaire d’un vol d’une valeur inférieure à 5000 $ risque un maximum de six mois de prison et 5000 $ d’amende. La sentence peut notamment varier entre l’absolution, l’imposition d’une amende ou d’une peine de prison discontinue assortie d’une période de probation. La situation financière du fautif peut être considérée par le juge au moment de l’imposition de la peine.

 

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