Richard Montour sera honoré aux États-Unis

Jean-Claude Bonneau
Richard Montour sera honoré aux États-Unis
L’organisation Honor Flight South Florida rendra un hommage particulier au Drummondvillois Richard Montour, le 29 septembre prochain, à titre de vétéran de la guerre du Vietnam. (Photo : Ghyslain Bergeron)

GUERRE DU VIETNAM. Rares sont les Drummondvillois qui ont pris part à la guerre du Vietnam, sous les couleurs du drapeau américain. Richard Montour est l’un de ceux-là. Aujourd’hui âgé de 74 ans, M. Montour vit des moments très particuliers depuis quelques semaines, et pour cause.  

Celui qui possède depuis une trentaine d’années les deux nationalités, canadienne et américaine (cette dernière à titre de vétéran de l’armée de l’air des États-Unis), sera honoré de façon particulière, le 29 septembre prochain, par l’organisation Honor Fligh South Florida.

Fondée en 2005 par Earl Morse qui est un ancien assistant-médecin et capitaine dans l’armée de l’air des États-Unis, la Honor Flight South Florida permet, quatre fois par année, à des vétérans de «vivre une dernière mission» qui les mène de Fort Lauderdale à Washington, DC.

Richard Montour a reçu à quelques reprises la médaille «Armed Forces Expéditionary Service» de même que la médaille de la National Defense Service. (Photo Ghyslain Bergeron)

Une journée spéciale

Ce «Vol d’honneur», qui s’adresse tout particulièrement aux vétérans de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée et de la guerre du Vietnam, permet à d’anciens combattants de vivre une journée riche en émotions qui se traduit finalement par un jour de joie et de renouveau.

Très tôt le matin (4 h 30), les participants sont conviés à l’aéroport de Fort Lauderdale pour prendre le départ, direction Washington. Arrivés à destination, les vétérans prennent place dans des autocars, escortés toute la journée par des policiers en motos, pour se rendre, entre autres, au Mémorial de la Seconde Guerre mondiale, au monument commémoratif Iwo Jima du Corps des marines et au cimetière national d’Arlington. Les «vols d’honneur» comprennent également des arrêts au Lincoln Memorial, au Mémorial de la guerre de Corée, au Mémorial de la guerre du Vietnam, au Mémorial de la Force aérienne de même qu’au Mémorial du 11 septembre.

Un retour en arrière

Pour Richard Montour, cette journée, qui se veut très symbolique et en remerciements pour services rendus au pays, rappelle tout de même des souvenirs parfois heureux mais aussi très douloureux, qu’il a vécus au milieu des années 1960.

D’entrée de jeu, le principal intéressé a dû répondre à une question bien précise. Comment un jeune Drummondvillois a-t-il pu se retrouver, à l’âge de 18 ans, dans l’armée américaine ?

Richard Montour et ses médailles. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Ça, c’est toute une histoire. Avant de faire carrière dans la restauration à Drummondville, mon père (Rosaire Montour qui a été à la barre de restaurants Steak House 500 et Garde-Manger), a fait l’achat, en 1960, d’une ferme laitière à Orleans, au Vermont. Comme plusieurs Québécois qui s’étaient installés dans cette région, nous sommes déménagés aux États-Unis. En 1963, notre ferme a été complètement ravagée par un incendie. Même s’il avait perdu quelque 250 bêtes, mon père a décidé de racheter une autre ferme. C’est sans doute là que le déclic s’est fait, en ce sens que je ne voulais pour rien au monde passer le reste de ma vie sur une ferme. Le service militaire étant à cette époque obligatoire aux États-Unis, j’ai donc décidé de me porter volontaire en septembre 1963. J’aurais pu revenir au Canada mais j’ai préféré écouter les recruteurs qui nous disaient qu’en faisant notre service militaire, on pourrait voyager à travers le monde. Belle façon de persuader des jeunes de 18 ans. J’ai donc fait mon entraînement à Fort Dix au New Jersey, comme technicien sur les avions et les hélicoptères, mais on apprend aussi autre chose…», souligne celui qui a gradué en 1964 et qui avait demandé d’être transféré en France, étant donné qu’il était de nationalité canadienne française et qu’à Paris, il n’aurait eu aucune difficulté de communication.

Après sa graduation, Richard Montour a eu droit à un mois de congé pour revenir à Drummondville. De retour aux USA, il apprend qu’à défaut d’un poste en France, il s’en va plutôt au Vietnam, à la base principale de Vung Tau. Un mois plus tard, il est transféré à la base Biên Hoa, à une heure de Saïgon.

C’est aux bases militaires de Vung Tau et de Biên Hoa que Richard Montour a été affecté pour sa première année au Vietnam. (Photo gracieuseté)

«Je ne savais vraiment pas dans quoi je m’embarquais, mais je l’ai appris assez vite. À bord de petits avions, nous faisions des missions de reconnaissance pour localiser les ennemis. J’ai même agi comme mitrailleur sur des hélicos d’assaut. C’était assez heavy, même si on n’était pas au front comme tel. On n’assistait pas à des feux d’artifices. À plusieurs reprises, il a fallu réparer des trous de balles dans nos avions. On faisait vraiment de tout sur la base. Un soir d’octobre, je venais de terminer mon service de garde au parking des avions et des hélicos quand notre campement a été attaqué. Un obus est tombé à quelques pieds de moi. J’aurais pu y rester mais j’ai été très chanceux. Quand de telles choses arrivent, tu apprends c’est quoi la peur», précise celui qui a reçu son grade de sergent et qui était de retour au Fort Devens au Massachusetts en avril 1965, en vertu d’un congé obligatoire après un an.

En 1966, le journal local La Parole mentionnait qu’un petit gars de chez nous avait reçu le grade de sergent dans l’armée américaine. (Photo gracieuseté)

Après un séjour de quatre mois à vaquer à de menus travaux sur la base de Fort Devens, Richard Montour retourne au Vietnam, cette fois à la base de CânTho. «J’y ai passé une autre année et j’ai été rapatrié en septembre 1966. Le retour a été très difficile, surtout qu’aux États-Unis, il y avait de plus en plus de manifestations contre la guerre. Après quelques semaines, mes supérieurs m’ont proposé de m’enrôler pour un autre cinq ans. Étant donné que j’aimais le service militaire, je l’aurais fait, mais j’avais une condition. Je ne voulais pas retourner au Vietnam avant trois ans. Ils ont refusé… donc j’ai décidé de fermer les livres et de revenir à Drummondville», enchaîne celui qui a obtenu sa citoyenneté américaine seulement en 1989.

De retour pour de bon dans son patelin, Richard Montour a œuvré dans plusieurs domaines. Il a d’abord travaillé pour la protection civile avant d’agir comme agent pour la Brasserie O’Keefe. Puis, il a fait une incursion dans le domaine des médias, à La Parole et à CHRD, avant de lancer en 2000 une entreprise en environnement, Sotramex. En 2016, il a cédé les guides de l’entreprise à son fils Sébastien.

Un des moments les plus difficiles dont se souvient l’ex-sergent Montour a sans aucun doute été le bombardement de son campement, alors qu’un obus est tombé à quelques pieds de lui. (Photo gracieuseté)

Boucler la boucle

Après plus de 50 ans, Richard Montour ne se cache pas pour dire qu’il a encore des «flashback» de son passage au Vietnam.

«Ce n’est pas fréquent mais ça arrive encore. Comme je l’ai toujours dit, je dois toucher du bois car j’ai été très chanceux. Plusieurs n’en sont jamais revenus et d’autres ont été blessés pour le reste de leur vie. C’est certain qu’il reste toujours de petites choses mais ça va finir par passer. J’ai toujours été bien entouré et je le suis encore.

La journée du 29 septembre pourrait certainement me donner la force de mettre enfin le couvercle sur le chaudron et de passer à autre chose, surtout que je vivrai cette journée spéciale en compagnie de mon fils Sébastien. L’Association des vétérans en fait beaucoup pour ses membres et je me sens très fébrile à l’approche de cette dernière mission. Ce dernier «Honor Flight», c’est un peu comme le sceau final sur un dossier militaire», conclut le sergent Richard Montour qui se dit extrêmement touché d’avoir été sélectionné pour le vol du 29 septembre prochain.

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