«Aidez-moi monsieur le journaliste»

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Par Jean-Pierre Boisvert
«Aidez-moi monsieur le journaliste»
* (Photo : DepositPhoto)

COMMENTAIRE. «Aidez-moi monsieur le journaliste. Écrivez dans le journal que la DPJ vient de m’enlever mes enfants. Je ne sais pas quoi faire».

Plusieurs fois, j’ai dû recevoir ce genre d’appel téléphonique d’un papa, ou d’une maman ou même d’un grand-parent ne sachant plus à qui s’adresser pour corriger ce qui lui semble être une profonde injustice. Et autant de fois, j’ai dû expliquer que c’est extrêmement difficile d’écrire un article de presse sur un tel sujet, parce qu’on ne connaît pas la vraie histoire et qu’il n’y aura toujours qu’une seule version, la DPJ (Direction de la protection de la jeunesse) refusant systématiquement de briser la confidentialité de chacun de ses dossiers.

Comment voulez-vous qu’un journaliste ait l’assurance qu’il n’est pas en train de se faire manipuler par le ou la véritable responsable du conflit, de l’affrontement, de la pagaille, appelez ça comme vous voudrez, qui met en danger la santé ou la sécurité des enfants? Comment savoir que je ne suis pas mené en bateau par une mère d’Aurore l’enfant martyre, version 21e siècle? S’il y a un domaine où la manipulation est omniprésente, c’est bien celui-là.

Ce qui ne veut pas dire que je ne peux pas vous raconter une histoire qui aura pour effet d’apporter mon humble contribution à la compréhension du rôle joué par la DPJ, au moment où tout le Québec est secoué par le tragique décès d’une fillette de 7 ans à Granby.

C’est l’histoire d’une grand-maman. Que je connais. Elle a 57 ans. Elle vit à quelques dizaines de kilomètres d’ici, où elle a la garde de son petit-fils âgé de 16 mois. Sa fille Nancy (nom fictif) a été entraînée par son chum, et père de son enfant, dans le monde de la dope, de la grosse dope. Résultat d’une surdose ou d’un suicide, Nancy a été trouvée morte l’année dernière. À Drummondville.

Le père du petit garçon, qui a des antécédents judiciaires, a droit à une visite de 30 minutes par semaine. Rencontre qui se fait en présence d’une intervenante de la DPJ dans une salle du CLSC. Parfois il vient, parfois il ne vient pas. Sans avertir.

Lors d’une de ses visites, il puait l’alcool. Une clause de l’entente avec la DPJ est que la rencontre, dans un cas comme ça, peut être annulée sur-le-champ. La grand-maman a fait remarquer cet état de fait à l’intervenante qui a plutôt plaidé que le père venait de faire une heure en autobus pour voir son enfant…
L’affaire est devant la cour. Le père demande une garde partagée ou quelque chose qui lui permettrait de voir son fils plus souvent alors que la grand-maman dit à qui veut l’entendre que ce n’est pas une bonne idée. Elle doit se démener pour remplir de la paperasse, se payer un avocat, s’occuper du bambin, se méfier de la DPJ et garder un œil sur l’intervenante qui s’est une fois échappée devant le père en nommant la garderie de l’enfant. Petite erreur mettons.

Bien sûr qu’elle a peur la grand-maman. Elle craint que le père, sous l’effet d’un altérant, pète sa coche et s’amène chez elle. Elle a confié à une amie qu’elle y pense à tous les soirs. Pourquoi se donne-t-elle toute cette peine? Pour éviter, évidemment, que son petit-fils soit trimbalé de famille d’accueil en famille d’accueil. Ah oui, je vous rappelle qu’elle a perdu sa fille dans tout ça.

Y a-t-il un drame latent dans cette histoire? Que se passera-t-il quand la décision sera rendue par le tribunal à la fin de l’été prochain? Combien d’autres enfants sont pris dans un tel tourment, encore trop jeunes pour aller frapper à la porte du voisin à une heure du matin pour demander de l’aide?

Dans le grand ménage qui s’impose à la DPJ, y compris une révision de la loi, on entendra assurément des propositions pour obtenir des améliorations. Pour ma part, je dirais qu’une formation plus adéquate de ceux et celles qui travaillent sur le terrain devrait être prioritaire.

Tout ça étant dit en sachant bien que les médias ne seront jamais autorisés à consulter les dossiers de la DPJ.

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