«Je quitte parce que je n’ai plus la foi en nous comme collectivité» – Isabelle Marquis

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
«Je quitte parce que je n’ai plus la foi en nous comme collectivité» – Isabelle Marquis
Isabelle Marquis lors de son allocution lundi soir au conseil municipal (Photo : Tirée de la retransmission vidéo de Cogeco)

POLITIQUE. Isabelle Marquis a démissionné de son poste de conseillère municipale à Drummondville parce qu’elle est convaincue que c’est ailleurs qu’elle pourra en faire «davantage» pour sauver la planète.

«J’ai commencé à m’impliquer en politique dès l’âge de 18 ans, ardemment motivée par la cause de l’environnement. Je voulais par mon action politique sauver la planète. J’avais foi en l’humanité. Aujourd’hui, sur cette grave question, je ne l’ai plus. Lorsque Hubert Reeves nous dit que nous sommes dans la 6e extinction, lorsque Nicolas Hulot nous dit qu’il en va de la fin du monde, comprendre ici notre propre survie comme espèce, lorsque le GIEC nous explique qu’il nous faut réagir avec vigueur dans les deux prochaines années si nous voulons demeurer sous la barre du 1,5 degrés Celsius d’augmentation de la température, lorsqu’on nous dit que les océans s’acidifient, que le pergélisol a commencé à fondre, je ne suis plus seulement inquiète, je suis alarmée», a-t-elle déclaré en lisant sur un ton calme et serein un texte qui ne laissait aucun doute quant à la nature de ses convictions écologiques.

Dans son vibrant plaidoyer de près de neuf minutes prononcé en début de séance du conseil lundi soir, celle qui a été élue trois fois dans le district 4 dira plus loin où elle se situe.

«Je passe sur les problèmes liés à la présence des pesticides dans l’agriculture, à la nourriture des animaux d’élevage, aux continents de plastique, à la fonte de l’Arctique et de l’Antarctique. Voilà donc où je me situe. Les efforts à faire sont tellement immenses que personne ne les fait vraiment. La raison est simple : l’étape de la conscientisation devrait être derrière nous. Les prochaines actions devront être radicales. Pour le bien commun, nous devrons sacrifier notre confort individuel. Selon moi, la communauté n’est pas prête à le faire. Il n’y a pas d’acceptabilité sociale aux mesures de contraintes. C’est là que nous sommes rendus. La réalité est qu’un gouvernement qui adopterait des mesures réelles à prendre pour les futures générations se verrait montrer la porte à l’élection suivante. Au Canada, au Québec ou à Drummondville, les citoyens ne sont pas, selon moi, prêts à de tels sacrifices. Je quitte parce que je n’ai plus la foi en nous comme collectivité sur ces questions», a-t-elle affirmé.

Il semble que l’été 2018 a été un tournant pour Mme Marquis.

«Avant l’été 2018, avec ses canicules et la croissance des informations de plus en plus alarmantes sur l’état du monde, je me disais encore que je représentais un certain pourcentage de la population qui devait penser comme moi. J’ai signé le pacte pour la transition. Avec sérieux et conviction. Prête à faire encore davantage. Mais ce n’est plus ici que je ferai ce davantage. Car je ne crois plus que mes convictions profondes soient partagées par un assez grand nombre de citoyens».

La conseillère qui quittera ses fonctions le 30 avril a tenu à rendre hommage à ses homologues du conseil et aux cadres. «Ils sont préoccupés et conscients des problèmes dont j’ai fait mention. Mais nous savons tous que nous ne pouvons pas aller beaucoup plus loin que nous le faisons déjà. Nous avons mis en place des mesures positives et faciles à accepter pour la population. Et pourtant, nous avons eu tellement de critiques… Rarement les gens saluent les mesures concrètes mises en place par la Ville. Dans quelques mois, la Ville adoptera sa politique de mobilité durable, j’espère qu’elle sera saluée, soutenue et applaudie… Les problèmes de nids-de-poule ne sont pas le fait de votre conseil, ni du personnel de la Ville. Ils sont le fait de trop nombreux événements de gel/dégel qui eux sont le fait des changements climatiques qui eux sont de notre faute à tous», a dit en guise de conclusion celle qui démissionnera également à titre de commissaire scolaire, étant donné qu’elle quittera la région, apparemment pour celle de Mégantic.

Isabelle Marquis sera sans doute heureuse d’apprendre que les deux personnes qui convoitent son siège au conseil municipal sont fortement imprégnées des valeurs environnementalistes : soit Alain D’Auteuil, président de la Coalition pour une action citoyenne solidaire, et Sarah Saint-Cyr Lanoie, ex-candidate de Québec Solidaire dans la circonscription de Johnson aux dernières élections provinciales.

Partager cet article