«J’ai hâte de les serrer dans mes bras»

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Par Frederic Marcoux
«J’ai hâte de les serrer dans mes bras»
Jehu Hendrix regarde cette photo de sa femme et de sa fille, tous les soirs, avant de se coucher. (Photo : Ghyslain Bergeron)

«Est-ce que ma famille sera vivante à mon réveil?» Cette question, Jehu Hendrix se la pose tous les jours. Celui qui est originaire de la République centrafricaine est à Drummondville pour fuir la mort.

En novembre 2016, la vie a souri à Jehu Hendrix. Il est parvenu à quitter son pays d’origine pour renouer avec le sentiment de sécurité au Québec. Son frère, qui vit dans la Belle Province depuis plusieurs années, a parrainé sa mère en 2010, laquelle avait Jehu à sa charge. Six ans plus tard, Jehu Hendrix est finalement arrivé au Québec.

Cependant, sa bien-aimée demeure toujours en République centrafricaine. Lorsqu’il est retourné la voir, brièvement, en 2017, cette dernière est tombée enceinte d’une petite fille. En juin de la même année, il a convolé en justes noces. Presque deux ans plus tard, le Drummondvillois d’adoption, qui demeure sur la rue Lindsay, les attend impatiemment.

«J’ai peur de les perdre, car il y a 14 groupes armés dans mon pays d’origine, explique Jehu Hendrix. Ils revendiquent leurs droits par la force. Pour se faire entendre, ils massacrent des gens et brûlent des maisons. J’attends la réponse de l’immigration. Mon dossier est à l’étude et le délai maximum est d’un an. J’ai déposé ma demande en décembre dernier.»

A-t-il rempli tous les formulaires adéquatement? Est-ce qu’une erreur de sa part pourrait retarder l’arrivée de sa famille? Combien de temps encore vivra-t-il avec la peur de perdre ses proches? Toutes ces questions, Jehu se les pose quotidiennement. Deux fois par mois, il se connecte en ligne pour voir l’évolution du dossier qui ne progresse pas au rythme espéré.

Les élus le priveront-ils de sa famille?

Au cours des derniers mois, la position du nouveau gouvernement de la Coalition avenir Québec (CAQ), qui veut diminuer le nombre d’immigrants au sein de la province, fait craindre le pire au principal intéressé.

«Ça m’inquiète beaucoup, partage Jehu Hendrix, en gardant son calme. Si le gouvernement limite l’immigration et que ça tombe sur ma femme, ça ne va pas bien marcher pour moi. Je vis seul ici. Je n’ai rien pour me détendre à mon retour à l’appartement. Il n’y a pas ma fille et ça joue sur le moral. J’ai seulement un lien virtuel avec elle. On se parle à l’aide d’internet et elle m’appelle papa. J’ai hâte au jour où je vais être à l’aéroport pour les serrer dans mes bras.»

Jehu Hendrix

«Je trouve que c’est inhumain de s’opposer à l’immigration, poursuit-il. Il y a beaucoup de gens qui fuient la mort au Canada. Sur le plan humanitaire, on peut sauver des vies. Il n’y a pas de prix à ça. C’est une question d’humanité.»

L’homme qui est âgé de 30 ans résidait à Montréal, avant que le travail lui permette de découvrir Drummondville, en juin dernier. Il oeuvre au sein de l’entreprise Planchers Mercier et apprécie particulièrement la région.

«Je trouve que la qualité de vie est meilleure à Drummondville. Les gens sont plus ouverts qu’à Montréal. Les passants s’intéressent à toi dans la rue. C’est chaleureux. J’aime la culture québécoise. Le fait de parler le français m’a aidé, mais j’ai eu de la misère avec l’accent québécois au début. J’aime aussi l’impartialité au travail. Je suis traité justement, selon mes compétences.»

C’est le cas de le dire, l’espoir fait vivre Jehu Hendrix. Son rêve de retrouver sa famille pourrait bien se réaliser dans quelques mois, si les décisions politiques tournent en sa faveur.

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