Victime d’un vol à main armée, elle peine à s’en remettre

Photo de Frederic Marcoux
Par Frederic Marcoux
Victime d’un vol à main armée, elle peine à s’en remettre
Trycia Perreault-Cloutier. (Photo : Marilyne Demers)

JUSTICE. Le 14 février 2017, deux hommes cagoulés entrent dans le dépanneur Lefebvre. Ils exigent de Trycia Perreault-Cloutier qu’elle leur remette de l’argent et des cigarettes. Elle résiste. La vie de la caissière s’apprête à changer à jamais.

«Vers 17 h, j’ai vu les deux hommes entrer. Sur le coup, je pensais que c’était une mauvaise blague qu’ils me faisaient, mais Cédric Clément a pointé une arme dans ma direction. Jessy Jamieson est venu à côté de moi avec une barre à clous et un sac. Au début, je ne voulais pas coopérer. J’ai demandé s’ils étaient sérieux. Cédric Clément m’a dit : “donne-moi tout, sinon je tire”. J’ai garroché tout ce que j’avais», raconte calmement la jeune femme qui est aujourd’hui âgée de 22 ans.

Un mois plus tard, à l’aide des images captées sur la caméra surveillance, les policiers ont mis la main sur les malfaiteurs qui étaient intoxiqués par une drogue au moment du braquage. Clément a reçu une sentence de 30 mois de détention, neuf mois après l’événement, tandis que Jamieson a tardé à reconnaître sa culpabilité. Un processus pénible pour la résidente de Lefebvre qui a été suivie pendant deux ans par le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC).

«Chaque fois que son dossier revenait au palais de justice, j’étais appelée pour témoigner, mais c’était toujours reporté. Et, chaque fois, je vivais un gros stress dans les jours précédents. J’étais désagréable avec mon entourage. Je n’arrivais jamais au bout de mes peines. C’était du niaisage qui faisait que j’en avais plus sur le cœur. Le CAVAC m’appelait chaque mois pour me parler de l’évolution du dossier. Je me sentais un peu impuissante», se remémore Trycia Perreault-Cloutier, la gorge nouée par l’émotion.

Incertaine du dénouement de l’histoire, elle n’a jamais témoigné à la cour. Le Drummondvillois Jessy Jamieson a finalement été condamné à passer deux ans moins un jour derrière les barreaux, le 1er février dernier.

«Non, je ne suis pas satisfaite par la justice. Je trouve que ce n’est pas assez, s’attriste la victime. La peine banalise le crime. Je ne serai jamais dédommagée pour le sentiment que j’ai à l’intérieur de moi. Ça me stresse de les recroiser. Je ne leur pardonnerai jamais. Je paie pour ce qu’ils ont fait. Peut-être que ma vie ne sera plus jamais comme elle était avant.»

Marquée à vie

Constatant que les victimes d’actes criminels passent souvent sous le silence, Trycia Perreault-Cloutier a décidé de se confier à L’Express. Si les malfaiteurs s’en sortent avec un casier judiciaire et quelques mois de prison, son combat est quotidien depuis plus de deux ans.

«Depuis que c’est arrivé, je suis obligée de prendre des médicaments contre l’angoisse, déplore la principale intéressée. Je ne serai jamais dédommagée pour ça et je ne sais pas si je vais devoir en prendre tout le temps. Je suis facilement atteinte émotionnellement. C’est lourd. Je peux me mettre à pleurer n’importe quand. Ça m’a mise dans un creux et ç’a été long avant que je puisse voir le bout. J’étais toujours négative.»

Trycia Perreault-Cloutier essaie d’avancer dans la vie malgré tout. Elle travaille pour un Petro-Canada de la région. Cependant, elle évite de travailler à la caisse, le plus souvent possible.

«Mes symptômes ne sont pas moins pires qu’avant. Je me sens faible à l’intérieur de moi. Ç’a pris du temps pour que je dise à ma mère que je ne me sentais pas bien avec moi-même», précise-t-elle, en insistant sur l’impact positif que lui procure le soutien familial.

Faire la différence

Trycia Perreault-Cloutier. (Photo Frédéric Marcoux)

La jeune femme originaire de Beloeil se sentait prête pour raconter son histoire, dans l’espoir de faire la différence dans la vie d’une autre victime.

«En 2019, je me suis fait la promesse de penser un peu plus à moi, explique-t-elle. C’est important d’en parler. Je ne suis sûrement pas la seule à se sentir comme ça. Je suis fière d’en parler, même si je le fais la gorge serrée».

Questionnée au sujet de l’aide reçue par le CAVAC, la victime reconnaît qu’elle aurait dû poser plus de questions au sujet des services offerts.

«Je ne me suis pas renseignée sur toute l’aide que je pouvais recevoir du CAVAC, concède-t-elle. Je conseillerais à une victime de prendre du temps pour elle. C’est quelque chose que je n’ai pas assez fait. J’aurais dû me vider le cœur un peu plus. C’est important pour une victime de saisir tous les outils mis à sa disposition, parce que l’événement vient me chercher, chaque fois, encore aujourd’hui. J’ai encore de la rage en moi.»

Sur son site web, le CAVAC écrit qu’une victime peut s’adresser à l’organisation, et ce, même plusieurs années après l’acte criminel.

Partager cet article