SLĀV : une odyssée qui s’adresse à l’intelligence et à l’émotion (photos)

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
SLĀV : une odyssée qui s’adresse à l’intelligence et à l’émotion (photos)
Moment vibrant : on reproduit sur scène le geste des travailleurs construisant un chemin de fer dans un film d’archives. (Photo : Ghyslain Bergeron)

THÉÂTRE ­– Les 972 spectateurs qui vont assister ce soir à SLĀV, la création de Robert Lepage, à la Maison des arts, vont ressortir avec un petit quelque chose de plus dans leur bagage culturel.

Pour autant qu’il soit possible de poser un regard et une oreille justes sur une portion de 30 minutes de la générale qui a eu lieu ce matin, en présence du journaliste de L’Express, seul présent dans la grande salle Léo-Paul-Therrien, l’odyssée théâtrale à travers des chants d’esclaves imaginée par Robert Lepage et Betty Bonifassi, s’adresse pour dire le moins à l’intelligence et à l’émotion.

Le décor, l’éclairage, les chants, les costumes, la musique, l’histoire de «l’esclavonie», tout là-dedans contribue à créer l’ambiance propice au questionnement incessant lié à l’incroyable domination d’êtres humains sur d’autres êtres humains.

Une cinquantaine d’artistes en tout genre ont été mis à profit pour cette formidable création qui ne peut laisser le spectateur indifférent.

Et bien sûr, tout cela étant dit nonobstant les notions d’appropriation culturelle et d’inégalités culturelles qui ont semé la controverse dès les premières présentations à Montréal.

Prestation théâtrale de SLAV à Drummondville.

Essentiellement, les opposants ont déploré le fait que SLAV, hommage de Betty Bonifassi aux esclaves et à leurs chants, ne mettait en scène que deux artistes noires. Le spectacle a finalement été annulé après quelques représentations.

Appropriation culturelle étant une expression qui n’a pas été bien comprise, Émilie Nicolas, cofondatrice de Québec inclusif, doctorante en anthropologie et militante pour les droits de la personne, s’était ainsi exprimée à Radio-Canada : «Pour les populations noires et autochtones, il y a eu une appropriation historique, une colonisation des territoires, des corps, du labeur, de la culture. Les langues ont été détruites. Même chose pour la musique et pour nos droits. Il y a eu des siècles de colonisation, ce qui fait en sorte qu’encore aujourd’hui, il y a énormément de discrimination et de rapports inégalitaires. Nos pratiques culturelles ont été rendues illégales, ont été méprisées, ont été décrites comme sataniques et inférieures, et comme étant une preuve du fait qu’on méritait les traitements discriminatoires au fil des siècles. Certaines personnes décident de reproduire cette culture, sans donner de crédit ou de récompense financière aux gens qui l’ont créée. Ça reproduit les dynamiques de vol et de pillage qui font partie de la colonisation».

Face à la tourmente, la direction artistique, au premier chef Robert Lepage et Betty Bonifassi, ont concocté une deuxième mouture et c’est celle-là qui est offerte ce soir à Drummondville.

Prestation théâtrale de SLAV à Drummondville.

Avec un ajout de taille à considérer : une discussion est en effet prévue au terme du spectacle musical. On nous a dit que Robert Lepage sera sur place pour participer à cette discussion, qui sera la seule de cette tournée.

Pour la musique, elle n’est pas pré-enregistrée mais «live». Les musiciennes sont sur scène avec les chanteurs-chanteuses.

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