«On a réalisé que ça faisait du bien de se parler sans les caméras» – Robert Lepage

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
«On a réalisé que ça faisait du bien de se parler sans les caméras» – Robert Lepage
Une scène de SLAV (Photo : Ghyslain Bergeron)

THÉÂTRE ­– C’est la volonté des artistes créateurs de SLĀV et celle de ses opposants à vouloir communiquer qui a fait que l’œuvre a évolué où elle en est aujourd’hui. Peut-être qu’on aurait dû le faire avant.

C’est essentiellement ce qu’a expliqué, entre autres choses, Robert Lepage dans la discussion publique qui a suivi la représentation de ce soir à la Maison des arts où une salle comble venait d’ovationner les actrices-chanteuses-danseuses de la fameuse odyssée théâtrale. La grande majorité des gens sont restés pour entendre cette discussion.

«J’avais fait la promesse d’entamer une discussion après la controverse (à Montréal, qui a mené à l’annulation des spectacles suivants). On a annulé parce que le spectacle ne mettait en scène que deux artistes noires, mais c’était beaucoup plus complexe que ça. Débattre par médias interposés, ce n’était pas la chose à faire. Les médias ont soif de chicanes. Quand on s’est rencontrés, on a réalisé que ça faisait du bien de se parler sans les caméras. Jusque-là, on n’avait pas pensé à s’appeler directement», a mis en contexte le metteur en scène. On sait maintenant que c’est de cette rencontre qu’est née la deuxième mouture.

Prestation théâtrale de SLAV à Drummondville.

Robert Lepage a aussi mis en parallèle la mauvaise compréhension entre le Canada anglais et le Québec. «Dans ce pays, nous ne sommes pas informés de la manière. Par exemple, dans toute cette controverse, les textes anglais n’ont pas été traduits en français et les textes en français n’ont pas été traduits en anglais. Moi, je me suis fait bardasser des deux côtés…»

Sa complice Betty Bonifassi, d’où origine cet hommage rendu aux esclaves et à leurs chants, a également pris part à la discussion, tout comme Patrice Dauphin, un artiste militant d’origine haïtienne, qui fut l’un de ceux qui ont dénoncé, «en criant très fort», que les Noirs «ne se sentaient pas représentés» dans ce spectacle musical qui parlait d’eux, ou plutôt de ceux dont ils sont les descendants.

Betty Bonifassi, née à Nice, a fait savoir que ses recherches ont duré 20 ans et qu’elle s’est sentie attirée par ces chants. «J’avais trois diplômes et je n’arrivais à rien. La madame était frustrée et je me suis lancée dans ces recherches pour découvrir que ces chants portent une réelle douleur. Je voulais les transmettre. C’est un grand moment pour moi», a-t-elle confié, ajoutant au passage que la claque, que lui a fait subir cette controverse, «je l’aie encore dans les jambes», a dit celle qui doit se déplacer avec une canne.

Prestation théâtrale de SLAV à Drummondville.

Les questions et commentaires provenant de la salle n’ont pas toutes été bien comprises, en l’absence d’un micro. Mais une spectatrice a reçu des applaudissements après avoir déclaré «je connais mal mon histoire mais j’ai appris beaucoup de choses ce soir». Sans doute qu’elle disait tout haut ce que bien d’autres pensaient. «Un artiste devrait pouvoir garder la liberté de son œuvre», a clamé un autre. «Je suis déçu de la manière que ça s’est passé mais le débat est bon», a souligné un autre.

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