(Tribune libre) Le fantôme de Duplessis au palais de la DPJ

(Tribune libre) Le fantôme de Duplessis au palais de la DPJ
Lettre ouverte (Photo : Photo Deposit)

«On ne nous a pas fait venir ici, pour nous faire voler nos enfants», crient en détresse plusieurs familles de personnes protégées, nouvellement arrivées au Québec. À Québec, à Sherbrooke, à Victoriaville, à Saint-Hyacinthe, et ici à Drummondville, hélas! la situation frôle la catastrophe. De quoi s’agit-il, au juste? Brièvement, d’enfants de nouveaux arrivants, dans des couloirs obscurs de la DPJ (Direction de la Protection de la Jeunesse). Inacceptable! À Sainte-Hyacinthe, j’ai rencontré une mère, sévèrement mortifiée par l’enlèvement de ses deux nourrissons, ça fait déjà deux sombres années de giratoires judiciaires, sans visite ni nouvelles. «Ce n’est ni l’amour, ni l’harmonie, ni les ressources que l’agente n’a pas trouvé dans notre grande famille d’une trentaine d’âmes, pour placer mes petits enfants dans une sorte d’orphelinat», râle d’une intense révolte intérieure, une grand-mère qui affirme avoir été floué par les vendeurs du Canada.

À Drummondville, l’année dernière, j’ai rencontré une jeune maman complètement déboussolée. Elle venait d’accoucher, à Sainte-Croix, littéralement dans les longs bras de la DPJ. Sidérant! Depuis, les cas que je croyais singuliers et explicables, se sont avérés pandémiques. «À 15h30 je suis allé à l’arrêt de l’autobus scolaire attendre mes enfants, comme à tous les jours. L’autobus est arrivé, sans eux, sans explication»! Témoignage d’un autre parent excédé. À ma connaissance, une dizaine de familles de nouveaux arrivants ont récemment vu des agents de la DPJ débarquer à la maison, voire à l’école, et repartir avec leurs enfants pour les confier à des anges inconnus, connus sous le nom de marque de famille d’accueil. « Nous avons fui la guerre et abandonnée nos terres dans l’espoir de sauver nos enfants, quiconque prétend mieux les aimer veut simplement les voler», note un père exaspéré de qui je préfère taire le nom.

Alors que ces familles, fragiles et incomprises sont aux abois, pris en souricière entre un immense défi d’adaptation et un colossal déficit d’accompagnement, coté DPJ les rapports font états d’exploits. Les signalements sont fortement en hausse, et conséquemment les interventions, sources de cauchemars pour les familles et leurs enfants. Excessivement inquiétant! Aurais-je tort d’y voir le fantôme de Duplessis déambulant insidieusement dans la rue de la DPJ?

On se rappellera que durant les années 40 à 60, sous la gouverne de Monsieur Duplessis, au Québec, des enfants orphelins ou de mères fragiles, ont été séparés de leurs familles, pour peupler des asiles psychiatriques administrés par des religieuses catholiques, essentiellement. Autant de ce temps-là il aurait été blasphématoire de questionner la probité des intervenants, autant de nos jours l’opacité sacrée éloigne de la DPJ tous les regards interrogateurs. Hélas, force est de constater, tristement, que l’institution dont la mission est indiscutablement noble, se trouve indéniablement en situation de conflits d’intérêts. On parle tout haut d’intérêts des enfants, et jamais de ceux des familles d’accueil, encore moins ceux des agents de la DPJ. A l’ère des compressions budgétaires, vu que la situation de l’enfant se détériore, il serait impensable de sabrer dans les emplois et les crédits dédiés à la DPJ. Ainsi les intérêts de la famille biologique, ainsi que ceux de la société, s’y perdent, aveuglement.

Ceci dit, soulignons l’urgence d’agir, d’ouvrir l’esprit et offrir de véritables services d’éducation à la diversité culturelle, et d’accompagnement des familles pour une harmonieuse intégration dans notre société.

Francois Munyabagisha, Drummondville

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