Un été sur terre mais tout aussi productif pour le plongeur Jeffrey Gallant

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Par Cynthia Martel
Un été sur terre mais tout aussi productif pour le plongeur Jeffrey Gallant
Jeffrey Gallant aux commandes du bateau de l’Observatoire des requins du Québec à Baie-Comeau. (Photo : (Photo gracieuseté))

PLONGÉE. S’il est coutume pour Jeffrey Gallant de participer à plusieurs expéditions sous-marines chaque été, le plongeur et chercheur drummondvillois passe présentement la majeure partie de son temps hors de l’eau, devant un ordinateur, à mettre sur pied de nouveaux projets.

«C’est un été un peu anormal. J’ai les branchies un peu sèches! image-t-il. Pour différents facteurs, il s’agit d’une année de réorganisation pour l’ensemble de mes projets de l’Observatoire des requins du Québec (ORQ), en plus d’être une année de création.»

Depuis cinq ans, aucun requin n’a été observé à Baie-Comeau, où est posté le site de recherche principal de l’ORQ dirigé par M. Gallant.

«Il semble y avoir un cycle : le requin est présent pendant quelques années, quitte et revient. On ne sait toutefois pas les causes», indique le chercheur.

Comme le temps est précieux et que les ressources financières sont très limitées, Jeffrey Gallant et son équipe ne s’y rendent plus aussi souvent qu’avant. Se sont ajoutées à cette réalité de nouvelles réglementations imposées par Transports Canada.

«Le bateau a changé de catégorie faisant en sorte qu’il était considéré «commercial». Je ne pouvais plus le conduire. J’ai dû passer une licence de capitaine. De plus, nous ne pouvions plus l’opérer librement, c’est-à-dire le déplacer où l’on veut. C’était devenu très limitatif […] Par contre, Transports Canada annoncera sous peu une nouvelle réglementation – que j’attends impatiemment depuis quelques années – qui nous permettra enfin de couvrir l’ensemble du Saint-Laurent et de la côte atlantique. Ce faisant, et quoique le requin du Groenland à Baie-Comeau demeure notre sujet d’étude principal, nous ferons bientôt l’acquisition d’une remorque spécialisée afin de pouvoir relocaliser le bateau de façon stratégique et ponctuelle en plus d’être dorénavant en mesure de le remiser l’hiver et effectuer l’entretien du bateau à Drummondville», détaille-t-il.

Tous ces changements l’ont donc incité à plancher sur un nouveau projet qui se concrétisera à l’été 2019. Entouré d’une équipe, il ira approfondir ses recherches sur le requin-pèlerin dans la baie des Chaleurs, endroit où ce poisson a été observé à maintes reprises l’an dernier.

Jeffrey Gallant en plongée sur la Côte-Nord. (Photo gracieuseté)

«Concrètement, nous irons baliser les requins, comme on l’a fait à Baie-Comeau, en posant des radios émetteurs ou des émetteurs satellites afin de suivre les mouvements des requins lors de leur migration en hiver. Cela nous permettra aussi de suivre leurs mouvements quotidiens, par exemple, savoir à quelle profondeur chaque poisson est allé et à quelle heure, précise le plongeur. À partir de ça, on va pouvoir extrapoler avec des chercheurs spécialisés sur d’autres espèces et ainsi faire des corrélations. Nous allons également faire de la collecte d’information auprès de la communauté des pêcheurs, lesquels nous mettent souvent sur de bonnes pistes.»

Soulignons que le requin-pèlerin est le deuxième plus grand requin au monde, mais très peu d’études existent à son sujet.

C’est cette expédition qui occupe une grande partie de son temps depuis le début de la saison estivale.

«Je trouve ça très pénible de ne pas aller plonger aussi souvent, mais c’est un sacrifice qui vaudra la peine. Je prends du recul pour me donner un élan pour l’an prochain», confie-t-il.

Par ailleurs, M. Gallant se rendra, en octobre prochain, en Norvège pour y effectuer une expédition d’une semaine. Là-bas aussi il y fixera des balises acoustiques ou satellites pour suivre les mouvements des requins. Ce voyage, comme bien d’autres, sera aussi une occasion d’échanger avec d’autres chercheurs, ce qu’il apprécie particulièrement.

Jeffrey Gallant (Photo gracieuseté)

«C’est de cette façon que l’on comprend mieux le comportement des requins. En plus, ça ouvre des portes à des collaborations futures pour des recherches», souligne-t-il, en rappelant que toutes ses recherches sont réalisées sur une base volontaire, sans revenu.

«Je le fais vraiment par passion! L’Observatoire ne reçoit aucune aide financière des gouvernements ni des centres de recherche universitaire. L’argent provient seulement de partenaires corporatifs, dont le principal, Bombardier Produits Récréatifs (BRP), et de dons personnels. Malgré cela, tout ce qu’on fait, c’est selon la méthode scientifique et toutes nos découvertes sont validées par nos collègues chercheurs», note le Drummondvillois.

Deux projets majeurs à Drummondville

À travers la préparation de ses prochaines expéditions, Jeffrey Gallant travaille à mettre sur pied deux projets qu’il qualifie de «gigantesques» mettant en vedette la rivière Saint-François, à Drummondville.

«Le premier est le projet de ma vie! lance-t-il. Je ne peux pas en dire beaucoup pour le moment. J’ai eu cette idée au début des années 2000, mais à l’époque, la technologie ne permettait pas de faire ce que je m’apprête à faire aujourd’hui : rendre l’exploration sous-marine accessible à tout le monde. Il s’agit d’un projet qui, selon moi, aura une portée mondiale, car ça ne s’est jamais fait. Il pourra être exportable.»

Le deuxième projet sera relié à l’élément eau de Drummondville. Doté d’un volet éducatif, il sera axé sur la conservation et la promotion du patrimoine sous-marin.

«Ça va surprendre beaucoup, beaucoup de monde», croit-il d’un ton convaincu.

«Je suis vraiment excité par ces deux projets-là, car c’est un retour aux sources pour moi. Ce sont dans les cours d’eau de Drummondville, notamment le ruisseau Cacouna et la rivière Saint-François, que j’ai eu mes premiers contacts avec l’eau, la pêche puis la plongée […] C’est drôle aussi, car c’est l’endroit où je m’attendais le moins d’avoir un jour un projet aussi important relié au monde sous-marin. Bref, ce sont les deux plus beaux projets que j’ai concoctés jusqu’à maintenant et je suis convaincu que les gens seront emballés. Ça devrait changer la façon dont on explore le monde sous-marin, mais aussi ma vie de tous les jours!» explique-t-il, emballé.

Malgré un été qu’il passera «plus au sec», Jeffrey Gallant ne sera pas moins productif. S’il avoue que la plongée lui manque terriblement, il  se console en pensant aux prochaines sorties et se réjouit du temps de qualité qu’il a de plus avec son épouse et leur petite fille Béatrice, trois ans.

Le sauvetage hors norme en Thaïlande

Comme des millions d’humains sur la planète, Jeffrey Gallant a suivi avec intérêt et non sans émotion le sauvetage historique des 13 jeunes footballeurs coincés dans une grotte pendant 18 jours, en Thaïlande.

«C’est rare qu’un événement de la sorte du monde de la plongée fait les manchettes mondiales, fait-il savoir. À chaque fois qu’il y avait des développements, je publiais un texte sur le site de The Diving Almanac, une ressource web uniquement dédiée à la plongée que je gère depuis 12 ans.»

Ce sauvetage hors norme a mobilisé 90 plongeurs, dont environ dix du British Cave Rescue Council de l’Angleterre.

«Ces plongeurs du Cave Rescue Council sont les spécialistes en sauvetage en grotte, des spéléologues. Ils sont les meilleurs au monde, souligne M. Gallant. La difficulté à laquelle ils étaient confrontés, c’était de sortir des enfants qui ne savaient ni nager ni plonger, et ce, dans des conditions extrêmes. Il y avait des endroits où il y avait à peine 30 cm pour passer.»

«J’avais vraiment peur que les premiers enfants secourus paniquent lors de l’opération et que ça ait une répercussion sur les autres et qu’on rate le sauvetage», poursuit-il.

En 36 ans de plongée, M. Gallant n’a jamais pratiqué la spéléologie.

«La spéléologie sous-marine c’est un monde hyper spécialisé, très dangereux et qui demande une formation très, très poussée (…)  C’est quelque qui ne m’intéresse pas de faire. Je serais peut-être tenté s’il y avait un requin d’ici, par exemple, qui vit en grotte à 2 km de l’entrée. Évidemment je ne le ferais pas sans formation», laisse entendre le plongeur, avec un sourire en coin.

 

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