«Le GARAF est sur le point de s’inscrire dans l’ADN de Drummondville» – Pablo Desfossés

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Par Cynthia Martel
«Le GARAF est sur le point de s’inscrire dans l’ADN de Drummondville» – Pablo Desfossés
Depuis près de 20 ans, Pablo Desfossés contamine plusieurs centaines de jeunes. (Photo : Photo Ghyslain Bergeron)

ÉDUCATION. En 1998, Pablo Desfossés avait un plan précis : mettre sur pied un programme scolaire en sciences par lequel les jeunes seraient appelés à exécuter diverses actions ayant des retombées environnementales et, du même coup, contribuer à l’avancement des recherches. Et c’est exactement ce qui se produit.

Le Drummondvillois Pablo Desfossés est celui derrière le GARAF (Groupe d’aide pour la recherche et l’aménagement de la faune). Biochimiste de formation, il se désolait de voir que rien de concret n’était enseigné en sciences et que les jeunes s’intéressaient de moins en moins à cette matière, qui, à la base, est difficile.
«Avant de toucher concrètement aux sciences, ça va juste à l’université, c’est désolant. Les jeunes ont le temps de changer d’idée plusieurs fois avant de trouver leur voie.»

Pour lui, il n’y a rien de tel que d’apprendre par des situations réelles plutôt que de se plonger le nez dans les livres pour maintenir l’intérêt des élèves. Lorsqu’il a obtenu son poste permanent pour l’année scolaire 1998-1999 à Jean-Raimbault, il a entre autres hérité du cours Technologie et méthodes scientifiques (TMS). Suivant sa ligne de pensée, l’enseignant avait été bien clair auprès de ses collègues et de la direction : il ne suivrait pas à la lettre le programme. L’année suivante, en se basant sur ses expériences et compétences de même que sur le cours TMS, il présente au directeur de l’époque, Marcel Morin, son projet du GARAF.

«Il a cru en moi dès le départ, car il voyait que j’étais une personne engagée, bien qu’il n’était pas toujours en accord avec mon style d’enseignement», expose-t-il.

C’est ainsi que l’option GARAF est d’abord né, puis, quelques années plus tard, le programme particulier a été ajouté. Vingt-deux écoles primaires sur trente vivent également l’expérience GARAF par certaines méthodes d’apprentissage.

«Avec l’aide de différentes personnes, j’ai réussi à implanter quelque chose d’impossible, car, on le sait, c’est difficile en éducation d’apporter du nouveau. On l’a vu avec la réforme qui n’a pas fonctionné» souligne-t-il avec une pointe de fierté.

Petit à petit, le passionné de l’environnement contamine les jeunes par sa fougue et ses méthodes non conventionnelles d’apprentissage qui consistent à aller constamment sur le terrain.

«Je partais souvent de problématiques repérées dans L’Express pour bâtir mes cours. D’ailleurs, GARAF a pris de la notoriété avec l’affaire du domaine Le Quartier, à Saint-Charles, en 2005. Je me rappelle que des gens étaient consternés par le fait qu’il y aurait de nombreux arbres abattus. Pour moi, l’angle d’attaque était plutôt la protection des milieux humides. Avec des pressions provenant du ministère et de moi-même, les promoteurs ont finalement changé les plans pour tasser le chemin prévu initialement», se rappelle-t-il.

Puis, la notoriété de ce programme unique a dépassé les frontières de Drummondville.

«Vers 2006, Julie Provencher (actuellement agente de revitalisation urbaine intégrée à la Ville de Drummondville) du Forum jeunesse m’a appelé pour étudier la possibilité d’exporter GARAF au Centre-du-Québec. Trouvant l’idée bonne, j’ai accepté, mais on a cru bon lui trouver une autre appellation : Opération PAJE. Présentement, des élèves de 14 commissions scolaire bénéficient de ce programme», explique M. Desfossés, en confiant que son but ultime, bien qu’il soit extrêmement fier de l’ampleur actuelle, est que ça se répande à la grandeur de la province.

Un lien de confiance

Le GARAF est désormais devenu une ressource extrêmement sollicitée par des entreprises, des organismes, des municipalités et même, par le ministère de l’Environnement, pour résoudre une multitude de problématiques.
«On a vraiment monté une machine bien rodée, bien huilée, car tout le monde y met du sien : enseignants, élèves et collectivité», se dit d’avis Pablo Desfossés.

Actuellement, GARAF mobilise sept techniciens, une soixantaine d’enseignants et des centaines d’élèves.
«La communauté fait confiance au GARAF, aux jeunes, et ça, c’est fantastique! Le GARAF est sur le point de s’inscrire dans l’ADN de Drummondville. D’ailleurs, chaque fois que je demande aux entreprises pourquoi ils font appel à nous, je reçois toujours la même réponse : « Je préfère engager votre équipe et savoir que les jeunes apprennent. C’est une approche gagnante pour tous ».»

La confiance se manifeste aussi par du soutien financier, scientifique et moral.

«On ne se prétend toutefois pas des experts. On est bons, car on est bien entourés», soutient-il.
Cette réalité, M. Desfossés l’avait exactement imaginée comme ça.

Pablo Desfossés.

«En 1999, je savais que mon projet aurait cette forme-là et qu’il prendrait une certaine ampleur. Ça peut paraître un peu étrange ce que je dis, mais c’est exactement comme ça que je le voyais : qu’on fasse appel au service des jeunes parce qu’on va les trouver compétents, parce qu’ils seront bien encadrés par des enseignants bien formés. On ne pouvait pas passer à côté de ce type de programme. Une autre des raisons pourquoi j’ai fondé GARAF, c’est que je souhaite que ça développe l’action citoyenne des jeunes pour que ceux-ci deviennent des citoyens engagés», affirme-t-il.

Et l’ascension se poursuit : un partenariat avec des chercheurs scientifiques est en train de se tisser.
«Ça c’est grâce aux enseignants « crinqués » qui m’entourent. Tu vois, ça aussi j’avais ça (partenariat) en tête. Ce n’est pas pour rien que ça s’appelle Groupe d’aide à la recherche.»

Défis et vision

La planète fait face à d’importants défis environnementaux. À plus petite échelle, au Québec, l’un des principaux est l’étalement urbain de l’avis même de Pablo Desfossés.

«Ça crée beaucoup de répercussions, mais on est capable de réduire notre impact. En fait, il faut permettre à la biodiversité de venir coloniser nos villes, car oui, il existe des façons de cohabiter sainement avec les animaux. Je suis conscient que ça ne se fera pas sans heurt, sans efforts et sans investissements. Il s’agit juste de bien planifier les choses», soutient-il.

«J’ai un rêve. J’aimerais voir Drummondville devenir la première ville à avoir une politique qui vise la biodiversité en ville et de se doter d’un emblème faunique. J’ai relancé les conseillers au moins quatre fois ces dernières années à ce sujet», laisse-t-il entendre.

Et sa vision du GARAF pour les cinq prochaines années?

«Je souhaite mettre en place un projet avec les jeunes de suivi d’espèces exotiques envahissantes avec des drones. Je vois d’ailleurs la MRC et la Ville là-dedans pour faire appel au service des jeunes. Ça va aider aussi à mettre en place un programme de suivi pour les insectes envahissants, dont l’agrile du frêne. Je veux également créé une espèce d’entreprise dédiée à l’identification génétique», indique-t-il en souriant.

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