Affaire Guy Ouellette : l’UPAC a-t-elle outrepassé ses pouvoirs?

Affaire Guy Ouellette : l’UPAC a-t-elle outrepassé ses pouvoirs?
Tribune libre (Photo : Photo Deposit)

Cette lettre a été écrite par Gilles Bugeaud (St-Cyrille-de-Wendover)

Quand Guy Ouellette dit que l’UPAC voulait le faire taire, il a parfaitement raison. Son arrestation a à ce point ébranlé les élus que trois autres parlementaires disent qu’ils craignent les filatures parce qu’ils auraient eux aussi en leur possession des informations sensibles qu’ils n’ont jamais divulgués justement de craintes de représailles à leur endroit de la part de l’UPAC.

Il est vrai que le législatif, c’est-à-dire l’Assemblée nationale du Québec, n’a pas le droit de s’ingérer dans le judiciaire, mais l’inverse est également vrai, le principe s’appliquant dans les deux sens.

Maintenant, analysons ce que l’UPAC a fait. Depuis que cette unité existe, elle a toujours attendu d’avoir des preuves solides avant de procéder à des arrestations et ces arrestations ont toujours été effectuées au moyen de mandats délivrés en bonne et dues formes par un juge qui a analysé cette preuve avant d’émettre ces mandats.

Or qu’ont-ils faits cette fois-ci. Ils s’emparent du téléphone d’un ex-agent de l’UPAC, l’agent Richard Despatie qu’ils soupçonnent de donner des informations à Guy Ouellette, lui envoie un texto, lui donnant rendez-vous à Laurier Station, un endroit suffisamment éloigné de la colline parlementaire pour qu’il ne puisse invoquer ses droits de parlementaire, parce que pour arrêter un membre du parlement sur la colline parlementaire, il faut l’autorisation formelle du président de l’Assemblée nationale, monsieur Jacques Chagnon. L’UPAC savait qu’ils n’auraient jamais cette autorisation.

Cette fois-ci, en contradiction de leurs manières habituelles de procéder, l’UPAC arrête le député sans mandat d’arrestation. Une arrestation sans mandat n’est légale que dans des cas d’urgences soit le flagrant délit et les motifs sérieux de croire que le suspect s’apprête à détruire des preuves pouvant servir à une enquête. L’UPAC n’avait aucune raison de croire que Guy Ouellette s’apprêtait à détruire des preuves, étant donné qu’il ne se trouvait ni sur les lieux d’une perquisition ni étant vu sortant du lieu d’une perquisition.

Maintenant, parlons du droit parlementaire. Le droit parlementaire est le droit inhérent au fonctionnement de nos institutions démocratiques, ici, l’Assemblée nationale du Québec. Le droit parlementaire est garanti, interprété et appliqué par le président de l’Assemblée nationale du Québec, Jacques Chagnon, et le discours mémorable qu’il a livré à l’Assemblée nationale du Québec démontre tout le sérieux qu’il apporte à cette tâche et il avise par le fait même, l’UPAC des conséquences que pourraient avoir toute infraction au droit parlementaire.

Le droit parlementaire considère comme un outrage au parlement, toute tentative d’intimider, bâillonner ou entraver le travail d’un député ou des travaux de la Chambre, ou encore de mentir à l’Assemblée nationale. L’arrestation sans mandat de Guy Ouellette sans que des accusations soient portées contre lui, constitue-t-il ce genre d’outrage? Il y a tout lieu de se poser la question. Le droit parlementaire donne au président de l’Assemblée nationale le pouvoir d’imposer des sanctions allant jusqu’à l’emprisonnement contre toute personne qui aurait contrevenu au droit parlementaire en commettant un outrage au parlement. Robert Lafrenière a-t-il commis un tel outrage?

La question se pose quand on sait que Guy Ouellette est justement le président de la commission parlementaire qui étudiait la loi 107 qui vise à donner plus de pouvoir à l’UPAC dont la reconnaissance de cette unité comme corps policier à part entière et que l’on sait que Robert Lafrenière s’oppose avec la dernière des énergies à la norme ISO 37001 qui vise à encadrer le travail de l’UPAC et que Guy Ouellette voulait faire adopter. Or, depuis son arrestation, les travaux de cette commission sont complètement suspendus. Si cela ne constitue pas une entrave aux travaux du parlement, je me demande bien ce que c’est.

Le président de l’Assemblée nationale du Québec, Jacques Chagnon, affirme que la saisie de l’ordinateur portable et du téléphone cellulaire de Guy Ouellette constitue un geste illégal en ce que ces deux pièces d’équipements constituent une extension du bureau parlementaire du député et que la fouille de leur contenu ne peut se faire que sur autorisation du président de l’Assemblée nationale et qu’il ne donnera pas cette autorisation.

Il demande donc que cet ordinateur portable et son téléphone cellulaire, appartenant à l’Assemblée nationale soient immédiatement remis à Guy Ouellette.

En conférence de presse, le directeur de l’UPAC Robert Lafrenière non seulement refuse, ce qui constitue un défi à l’égard du président de l’Assemblée nationale mais en rajoute en disant qu’il est prêt à contester la décision du président de l’Assemblée nationale devant les tribunaux. Il existe pourtant une jurisprudence à ce niveau, à l’effet que les juges dans le passé ont toujours refusés de s’ingérer dans les prérogatives du parlement étant donné qu’il faut toujours se rappeler que l’Assemblée nationale du Québec est une assemblée souveraine dans ses champs de compétences. L’UPAC n’a à peu près pas de chances de gagner une telle requête devant les tribunaux, surtout quand on sait que si les preuves sont suffisantes, le président de l’Assemblée nationale Jacques Chagnon autoriserait la fouille du contenu de cet ordinateur portable et de ce téléphone.
En terminant, il est bien connu qu’il existe depuis des années, soit depuis qu’ils travaillaient tous deux à la SQ, une profonde rivalité entre Guy Ouellette et Robert Lafrenière. J’espère que les événements dont nous sommes tous témoins ne constituent pas une continuation de cette rivalité malsaine.

Gilles Bugeaud, Saint-Cyrille de Wendover

Partager cet article