À l’école du nivellement

À l’école du nivellement

L’échec est double. Nous voulons faire un grand volume de diplômés en sacrifiant la qualité. Nous avons en effet diminué nos standards, mais le résultat n’a pas augmenté le volume de diplômés. Cette culture du nivellement par le bas, joint à la culture du ludique et du «pas dans ma cours» mènent dans un mur qui doit être vaincu par une culture de la valorisation de la réussite, de l’excellence et de la performance. Une société qui vise 60%, la note passage, à court et long terme ne peut que se niveler par le bas.

À l’école, on ne vise plus 100%, on ne vise plus 80%, on vise la note de passage … 60% et encore là, on peut arrondir, avoir les coins ronds. La compétence n’est pas à point à 60%, la connaissance l’est encore moins. Nous ne valorisons pas l’effort, nous faisons des comités d’analyse de moyens et donnons à l’enseignant la tâche d’éduquer et non seulement d’instruire. À 60%, nous sommes satisfaits d’un taux de diplomation au secondaire réel de 60%. Nous changeons la valeur du diplôme pour permettre à plus de monde qui n’ont pas 60% de l’avoir quand même. Nous ne sommes pas troublés par un taux de réussite de 60% au collégial et à l’université. Nous diminuons d’ailleurs nos exigences pour ne pas nuire à la «motivation intrinsèque» de «l’apprenant» et nous pouvons accepter qu’un enfant ne sache pas réellement lire en troisième secondaire…

Une société de 60%

À 60%, nos viaducs et nos ponts s’effritent, les routes sont à refaire après cinq ans. À 60%, la corruption et la collusion s’installent et le «payeur de taxe» paie. À 60%, nous trichons, nous acceptons le travail au noir, nous envoyons notre argent dans des paradis fiscaux. À 60%, nous n’effectuons pas de recherche fondamentale dans nos laboratoires et dans nos universités. À 60%, nous acceptons que les toits coulent dans nos infrastructures (écoles, universités, hôpitaux). À 60%, nous alimentons les fameux Vox-Pop de Guy Nantel avec notre ignorance de notre histoire et de culture générale. À 60%, nous acceptons que nos politiciens soient des façades sans contenu. À 60%, nous ne voulons plus de «chicane», le débat d’idées n’étant plus correct. Nous allons voter à 60%.

Il est temps comme société de viser l’excellence. L’excellent débute à l’école. L’école étant d’abord une priorité absolue de notre État, mais aussi de nos leaders, de nos chefs d’entreprises et de nos familles. Une éducation menée par des leaders qui veulent que la société embarque dans un monde visant aucune limite en éducation, dans un vrai projet social.

Viser l’excellence à l’école ne veut pas dire laisser les plus faibles de côté. Viser l’excellence, c’est par contre refuser de niveler par le bas. Viser l’excellence, c’est refuser de voir des jeunes de 16 ans quitter l’école. Viser l’excellence, c’est refuser qu’on fasse des fautes aux deux ou trois mots. Viser l’excellence, c’est de construire non seulement pour le plus bas soumissionnaire, mais aussi pour que ça soit beau, durable et intelligent.

L’éducation doit être une priorité, parce que l’éducation est une affaire de société et surtout une histoire de famille, une famille nucléaire, une famille école, une famille

L’école doit être difficile, l’école forme la génération de demain qui devra être forte dans le monde du 21e siècle. L’école n’est pas amusante, n’est pas «cool» et ne doit pas tenter de compétitionner des jeux vidéo ou des vidéos sur Internet. J’ai beaucoup de difficulté à croire qu’il y a des élèves de 16 ans qui sont quasi analphabètes. Il y a des élèves de 16 ans qui ne peuvent faire des additions simples sans une calculatrice. Il y a des élèves de 16 ans qui ne savent pas situer leur ville sur une carte. Il y aussi des élèves qui sont essoufflés après trois étages de marches. La diplomation «fast-food» n’est pas saine pour notre société.

Des solutions

Mettre en place une structure visant le développement de la culture générale et évaluer la progression au primaire et au secondaire. Limiter le nombre d’heures de travail des adolescents. Offrir à ceux qui n’ont pas d’argent une éducation vraiment gratuite en échange d’un «service civil» après leurs études. Augmenter le nombre d’heure à l’école en intégrant les activités parascolaires, la formation personnelle et sociale, l’instruction civile, la méthodologie, l’orientation professionnelle, la récupération et l’aide aux devoirs dans un contexte obligatoire et encadré. Mettre en place des examens du Ministère dans toutes les matières à tous les cycles du primaire et du secondaire. Favoriser les échanges étudiants aux niveaux collégiaux et universitaires en offrant des bourses d’éloignement.

Nous devons être fiers de nos exploits, nous devons continuer à créer, développer, innover comme nous l’avons déjà fait. Au Québec, il faut oser être les meilleurs au niveau mondial. Il faut prendre les devants, être des leaders. Nous avons faits des pas énormes pendant la Révolution tranquille parce que la population a élevé son niveau d’éducation. Pour le 21e siècle, il faut augmenter ce niveau d’éducation et devenir les créateurs de demain.

Ugo Martin, enseignant à la Commission scolaire des Chênes

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