C’est bien pour leur éviter l’expulsion que les Mexicains ont été acquittés

C’est bien pour leur éviter l’expulsion que les Mexicains ont été acquittés
Palais de justice de Drummondville (Photo : Archives Ghyslain Bergeron)

DRUMMONDVILLE. C’est bel et bien pour leur éviter l’expulsion que les six Mexicains, accusés d’avoir fraudé l’aide sociale, ont été acquittés le 6 mars dernier, et non pas parce que la preuve n’était pas assez forte.

Me René Verret, de la Direction des poursuites criminelles et pénales (DPCP), à Québec, a bien précisé lors d’un entretien téléphonique avec L’Express, vendredi, que «dans ce dossier-là, la particularité était qu’un verdict de culpabilité aurait été un châtiment disproportionné par rapport à la faute commise. Ils sont de bons citoyens, de bons travailleurs, et une entente a été prise pour un remboursement», des sommes perçues illégalement, via la complicité des agences de placement de personnel.

Notons ici ces Mexicains (Fernando Posada Ayala, son épouse Lorena Ruiz Garibay, Juana Cecilia Breton Montalvo, Hugo Eduardo Escobedo Tovar, son épouse Maribel Bonilla Rocha et son frère Luis Ernesto Escobedo Tovar) sont des «personnes protégées», ayant un statut d’immigrant qui signifie qu’elles peuvent demeurer au Canada, parce que leur vie est en danger dans leur pays d’origine et qu’elles sont en attente pour obtenir leur résidence permanente.

La semaine précédente, Me Verret étant en vacances, L’Express avait parlé avec son collègue Me Jean-Pascal Boucher qui nous avait indiqué : «Ce n’est pas pour leur faire éviter l’expulsion que le procureur (Me Alexandre Gautier) n’a pas déposé de preuves contre les Mexicains. C’est qu’il a jugé que la preuve n’était pas aussi convaincante dans leur cas qu’elle le fut pour d’autres personnes accusées». Me Verret a prétendu que Me Boucher avait parlé de façon générale et non pas d’un cas spécifique.

Le questionnement est dû au fait que plusieurs des 28 personnes accusées dans le cadre de l’Opération Filet, qui étaient d’origine étrangère mais qui avaient leur citoyenneté canadienne, ont été trouvées coupables pour les mêmes accusations. Elles ont dû payer des amendes d’environ 2500 dollars et effectuer 240 heures de travaux communautaires.

Parmi ces 28 personnes, outre l’acquittement des six Mexicains, on sait que 13 ont été trouvées coupables, huit sont toujours recherchées sous mandat et un dossier, celui d’Ana Milena Vaquero, reste en suspens jusqu’au 24 avril.

Une preuve très forte

Il ne fait aucun doute que l’ensemble de la preuve contenue sur un CD, dont L’Express a obtenu copie l’année dernière, est très forte. Pour le niveau criminel, les annexes au dossier Maître contiennent tous les éléments faisant la preuve des fraudes commises par les prestataires et par les représentants des agences concernées. Dans la transcription de leurs déclarations faites lors d’entrevues au Centre local d’Emploi (CLE), les prestataires ont eux-mêmes admis avoir travaillé.

Des documents de preuves ont de plus été saisis sur les lieux de travail : cartes de poinçon, cartes d’employé, photos des employés, feuilles de temps, liste de disponibilité pour heures supplémentaires, listes d’ancienneté par département, feuilles d’inscription à des formations, lettres de justification d’absence motivée, etc.

On retrouve aussi sur le CD beaucoup de factures envoyées par les agences aux employeurs donneurs d’ouvrage où apparaissent les noms des prestataires et les dates et heures travaillées. Seulement pour Avicomax, plusieurs factures hebdomadaires s’élevaient à 20 000 $ et même à 25 000 $ de la part de l’agence Chaudrey, propriété d’Ana Milena Padilla Vaquero. Avicomax est un seul des nombreux donneurs d’ouvrage clients des agences. Cela donne une idée du montant total de la fraude.

Cette affaire, qui traîne devant les tribunaux depuis la fameuse descente de mai 2012, arrive à son terme au moment où les agences sont en plein recrutement d’employés et d’employeurs alors que s’amorce une nouvelle période de travail agricole pour les travailleurs saisonniers, qui sont souvent des personnes d’origine étrangère. Le travail en usine, lui, se poursuit 52 semaines par année.

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