Nuit des sans-abri : 25 ans de lutte contre l’oubli et l’extrême pauvreté

Nuit des sans-abri : 25 ans de lutte contre l’oubli et l’extrême pauvreté
La Nuit des sans-abri le 17 octobre dernier au parc Saint-Frédéric.

DRUMMONDVILLE. Il était une fois, il y a 25 ans, une quinzaine d’hommes et de femmes qui se sont rassemblés pendant une nuit d’automne à Montréal autour d’un baril de 45 gallons en guise de brasero. Pas de musique, pas vraiment d’animation, seulement une quinzaine de personnes faisant l’expérience du temps long en se les gelant un peu dans un geste de solidarité avec les jeunes et les moins jeunes dont c’était la réalité de tous les jours.

Puis l’événement a pris de l’ampleur. À l’effort de solidarité s’est ajoutée la volonté de sensibiliser la population du Québec à une réalité qu’on préfère la plupart du temps ignorer. Et voilà que cette année nous en sommes à souligner 25 ans d’effort répété pour dire et redire que «…nous avons toléré (et tolérons toujours) l’inacceptable…».

– 25 ans à rappeler qu’on ne sort pas de chez l’orienteur au secondaire en disant qu’on a choisi de devenir itinérant;

– 25 ans à marteler que l’itinérance raconte toujours une histoire, celle des personnes itinérantes en premier lieu, mais aussi la nôtre, celle de ce que nous avons fait et n’avons pas fait collectivement pour qu’elles en arrivent là;

– 25 ans à souligner à gros traits que l’exclusion, ça donne souvent le goût de se geler, que ça peut même faire perdre la tête et parfois donner le goût de disparaître;

– 25 ans à tenter de faire comprendre que l’itinérance n’est en réalité que la partie extrême du spectre de l’exclusion sociale et de la pauvreté, à insister sur le fait que la pauvreté et l’exclusion ne sont pas des fatalités, mais des créations sociales et économiques sur lesquelles il est possible d’agir.

Mais la solidarité et la sensibilisation ce n’était pas assez. Il fallait aussi revendiquer des changements. C’est pourquoi, année après année, la Nuit des sans-abri a répété sans relâche qu’il n’y avait pas de sortie de l’itinérance sans revenu suffisant pour répondre aux besoins de base, sans logements décents et abordables disponibles, sans passerelles adaptées vers l’école et l’emploi, sans faciliter l’accès aux services de santé et aux services sociaux en adaptant les pratiques et en assurant une place prédominante à l’accompagnement des personnes.

Au cours des huit dernières années, La Nuit des sans-abri s’est également fait le prolongement des efforts de l’ensemble des groupes communautaires en itinérance et de leurs partenaires pour obtenir une véritable politique gouvernementale de lutte à l’itinérance, une politique qui ferait passer l’histoire des personnes itinérantes de la marge vers le corps du texte de notre récit collectif. Au mois de février dernier, le gouvernement du Parti Québécois a adopté une telle politique qui a été saluée par l’ensemble des acteurs en itinérance du Québec.

Toutefois, la Politique adoptée en février, pour produire de véritables résultats, doit se prolonger dans un plan d’action aussi audacieux que généreux qui permettra de consolider les interventions existantes en itinérance et d’en développer de nouvelles. Le gouvernement du Parti libéral a annoncé qu’il rendrait publique d’ici le 21 décembre prochain sa vision des choses. Quelle place auront les personnes itinérantes dans les plans du gouvernement actuel ? Saura-t-on en haut lieu reconnaître que la situation des personnes itinérantes ne saurait être plus austère qu’elle ne l’est déjà et qu’il serait odieux de leur demander de faire leur part pour rétablir l’équilibre économique de la province en livrant un plan d’action dépourvu de moyens et en les conviant au bal des coupures amorcé au mois de juin dernier.

La Nuit des sans-abri a 25 ans. Elle est maintenant présente dans 37 villes du Québec. Le 17 octobre dernier, des milliers d’hommes et de femmes de tous âges à travers la province ont choisi de mettre de côté temporairement leur confort pour exprimer leur solidarité avec les personnes itinérantes et leur désir de changement pour elles. À Drummondville, plus de 500 ont fait de même. Merci à chacun et à chacune. Merci également aux partenaires et commanditaires qui ont rendu l’événement possible.

Au Canada, il y aurait plus de 50 000 personnes sans-abri. Le phénomène est complexe et il est extrêmement difficile de recenser les personnes itinérantes. Un tel exercice est en cours pour le Québec. Pour Drummondville, si on utilise comme base la fréquentation des organismes en itinérance, la population itinérante se situerait entre 500 et 1000 personnes. Ce nombre est toutefois conservateur, puisque plusieurs personnes n’utilisent pas les ressources, qu’elles soient communautaires ou publiques. Maintenant que la Nuit des sans-abri est passée, assurons-nous que la réalité des personnes itinérantes ne retourne pas à l’oubli et à l’invisibilité qui la caractérise généralement.

Marc St-Louis

Pour le Comité organisateur de la Nuit des sans-abri de Drummondville

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