«Plusieurs irritants sont disparus»

André Mercier, l’un des pionniers du mouvement d’opposition au site d’enfouissement de Saint-Nicéphore à la fin des années 80, n’est pas en faveur du projet d’agrandissement tel que présenté par Waste Management, mais, du même souffle, il ajoute qu’il n’y a rien à faire pour l’empêcher.

«C’est en quelque sorte un service essentiel. Il faut bien mettre nos déchets quelque part», laisse-t-il tomber avant de donner libre cours à sa pensée.

«Les opposants d’aujourd’hui sont moins bien organisés qu’avant. C’est sans doute parce que certains des principaux irritants sont disparus. Je pense au transport; les camions transportant les déchets étaient nombreux à circuler sur la route 139, près des écoles, pour aller prendre le boulevard Saint-Joseph. Une fois, j’en ai compté 248 la même journée. Il a été décidé de dévier ces poids lourds par la route Caya et cela a eu pour effet de régler ce problème. Autre irritant pour la population, le lixiviat, qui était déversé dans le ruisseau Boisvert. Depuis quelques années, les eaux de lixiviation sont traitées dans le système d’épuration de la Ville et c’est évidemment devenu moins dommageable pour l’environnement. Autre point non-négligeable: l’argent. C’est en effet devenu payant pour la Ville de Drummondville», a-t-il fait remarquer en se rapportant au fait que, globalement, les fonds d’urgence environnementale et d’actions environnementales vont générer une entrée annuelle estimée à 600 000 $ dans le budget drummondvillois, sans compter un tarif d’élimination privilégié pour les matières résiduelles ultimes.

Une première question

André Mercier a été le premier citoyen à poser une question au conseil municipal de Saint-Nicéphore sur la destination des camions qui traversaient la municipalité. C’était le 5 novembre 1989. «J’avais demandé au maire Charpentier, qui en était à sa toute dernière assemblée: où vont les camions «verts»? Il m’a dit qu’il ne le savait pas, mais nous avons fini par savoir qu’il avait donné son autorisation. J’ai reposé la même question au nouveau maire Blanchette quelques semaines plus tard et je n’ai pas eu une meilleure réponse. En mars 90, en revenant de voyage, j’ai appris qu’une association s’était formée, l’Association de protection de la nature».

Selon lui, c’est à partir de là que les inquiétudes et les tensions ont commencé à se manifester, car la vocation provinciale du site se confirmait de même que l’importation massive de déchets de la région de Montréal et même de Québec.

«Il y a eu beaucoup de magouilles autour de l’identification et de la propriété du site, se souvient-il. En 1988, Sanipan (filiale d’Intersan) a acheté le site d’enfouissement des Entreprises de rebus DG et le nom du signataire pour le vendeur et pour l’acheteur était le même: Lucien Rémillard. Au début, la compagnie Intersan avait promis 120 emplois, s’était engagée à verser une subvention de 440 000 $ pour la construction d’un centre communautaire (subvention rejetée par les citoyens) et avait proposé la création d’un corps de police municipal qui n’a finalement jamais vu le jour».

M. Mercier a conservé tous les documents liés à cette époque et l’un de ceux-ci précise qu’en janvier 92, une pétition signée par 79 % des 9 000 électeurs nicéphorois a demandé la destitution du conseil municipal. «Le 8 février 1992, le ministre des affaires municipales Claude Ryan est venu sur place pour rencontrer les élus. Le 12 février, la municipalité fut placée sous tutelle par le gouvernement du Québec jusqu’à l’automne 1993. L’année 93 fut une année de bataille secrète entre le gouvernement et Sanipan qui a cherché à éviter l’obligation de suivre la procédure d’évaluation environnementale telle que stipulée dans le nouveau projet de Loi 101 pour la phase 2. À l’insu de la population, un jugement a été rendu le 30 mai 1994 qui ordonna au ministère de l’Environnement de délivrer le certificat de conformité demandé par Sanipan».

Une large coalition a vu le jour dans la foulée de cette décision gouvernementale et une longue lettre, datée du 26 juillet 1994, a été envoyée au Premier ministre Daniel Johnson, l’informant de tous les manquements à la protection de l’environnement dans le dossier du site d’enfouissement de Sanipan. «Devant ce constat d’échec des plus total, nous exigeons du présent gouvernement (notamment) de mettre en place une politique provinciale de gestion intégrée des déchets axée sur la réduction, la réutilisation et le recyclage». Comme quoi, l’affaire a été un enjeu national, comme l’avait souligné Pauline Marois (alors responsable des questions environnementales au Parti québécois) lors de son passage à Drummondville en compagnie du candidat Normand Jutras.

À la fin des années 90, Waste USA a acheté le site qui est devenu officiellement la propriété de Waste Management le 4 juin 2006.

«J’ai eu à cœur ce dossier, j’ai fait des recherches et consacré beaucoup de temps pour contribuer à faire la lumière le plus possible dans cette histoire qui n’a pas été transparente», confie-t-il. «Ça n’a pas été facile. Mais j’ai vu des améliorations au fil du temps. Et, par-dessus tout, je n’ai jamais été acheté. Certains se sont approchés et ont vu comment j’étais. Heureusement, je peux le dire aujourd’hui, une chance que j’avais une bonne job. Parce que j’ai souvent senti des pressions». André Mercier a travaillé depuis 1986 au pénitencier fédéral de Drummond».

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