Eddy King : moitié Français, moitié Québécois, moitié Congolais, un homme et demi, mais drôle à 100 %

«Maintenant, à 30 ans, je suis comme vous. Je chiale en hiver parce qu’il fait froid, je chiale en été parce qu’il fait chaud. Et le reste du temps, je dis qu’on est chanceux de vivre au Québec.» Quel personnage que ce Eddy King ! De son vrai nom : Edgar King ! Moitié Français, moitié Québécois, moitié Congolais : «Je suis un homme et demi » se plaît-il à dire.

Né au Congo en 1982, puis élevé par une mère monoparentale à Goussainville, un quartier en banlieue de Paris, ghetto violent, qu’on appelait la Cité, là où une voiture n’était plus que des pièces détachées quinze minutes plus tard. Parce que sa mère souhaitait un meilleur avenir pour lui, c’est en 1995 âgé de 13 ans, qu’il arrive au Québec en plein référendum. Vendredi dernier, à la salle Léo-Paul Therrien, il nous racontait cette histoire, la sienne, avec réalisme, avec émotions, mais surtout avec un humour où le rire explose à chaque phrase.

Du rap à l’humour.

J’avais beaucoup d’attentes en allant voir Eddy King. J’aime l’humour des immigrants qui comparent les traits de caractère de différentes nations, dans la lignée de Boucar Diouf. Dans l’ensemble, il a bien réussi. Pantalon trop grand, casquette palette arrière, t-shirt trop long sous une veste trop courte, il débite parfois son texte avec un débit qui se rapproche du rap. Pas surprenant puisqu’il a été un artiste du rap couronné d’un grand prix. En 2000, carrière de rappeur, en 2006 il aborde l’humour. Coup de cœur du Concours de la relève Juste pour rire en 2007. En 2010, Rachid Badouri lui confie la première partie de son spectacle où près de 100 000 personnes ont pu le découvrir. Et dire qu’il a été refusé à l’École de l’Humour.

Un public jeune

J’assiste à bien des spectacles pour vous les décrire et je n’ai jamais vu un auditoire aussi jeune, soit 15-35 ans, dans cette salle de la Maison des Arts. Probablement des fans des spectacles qu’il a souvent donnés au cabaret The Box à Drummondville. D’ailleurs, plusieurs de ces blagues étaient destinées à un public assez jeune. Assez paradoxal puisque je lui décerne une mention d’excellence, car il sait faire rire en s’abstenant de sacrer. En fait, il le fait seulement quand il varlope l’accent québécois. Les histoires de cul aussi sont minimalistes tout comme les histoires de relations de couples ou de maladies. Il se démarque avantageusement d’une pléthore d’humoristes sur ce plan.

L’histoire de toute une vie : la sienne

Belle idée cet enregistrement de sa mère qui le présente au début alors qu’il apparaît devant les lettres géantes de son nom. Il a rendu un hommage touchant et drôle à cette femme congolaise, elle qui a toujours été là pour lui. Sa mère ! Cette femme de ménage bardée de diplômes en psychologie non reconnus en Occident. Pendant près de deux heures, il nous a parlé de lui en nous évoquant sa jeunesse, les bêtises qu’il faisait avec son meilleur ami Willy, mais aussi toute la violence qui régnait dans la cité de son enfance. Oui, il nous l’a raconté avec émotion dans des mots enfouis, même cachés derrière les mots de son humour. Il a posé son regard personnel et engagé sur une foule de sujets. Sans jamais être moralisateur, il a su s’indigner. Sa frustration envers l’album d’Hergé, « Tintin au Congo » (belge) qui, selon lui, a été très néfaste pour l’image des Congolais, survolera le monde des colonisations et de l’esclavage. Il a dénoncé le profilage racial dont il est encore victime. Et en comparant les différents racismes, il a décrit le racisme au Québec de « cute ». Il était d’ailleurs époustouflant en imitant avec justesse les accents, qu’ils soient italiens, haïtiens, marseillais, québécois, guadeloupéens, congolais et même celui des rappeurs noirs.

Même s’il a abandonné le rap à cause de son côté violent, il a clôturé son spectacle en beauté en nous chantant un rap qui résumait son spectacle et nous communiquait son plein d’amour.

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