Victime d’inceste, elle réussit à faire payer son père

Victime d’inceste, elle réussit à faire payer son père
Au sortir du Palais de justice de Drummondville

Mélanie Lefebvre a accueilli avec un grand soulagement la sentence qu’a prononcée la juge Hélène Fabi, vendredi, à l’endroit de son père, Rock Lefebvre. Ce dernier est condamné à 33 mois d’emprisonnement pour avoir agressé sexuellement sa fille pendant une dizaine d’années. Ce jugement vient couronner cinq longues années de procédures judiciaires.

 

Même si elle aurait souhaité que son père reçoive une sentence plus sévère, Mélanie Lefebvre pleurait de joie lorsque la peine a été prononcée.

Plaidant coupable à la plupart des chefs d’accusation qui pesaient contre lui, il reconnaissait, pour la première fois, les crimes qu’il lui avait fait subir. «Aucun enfant ne mérite ces gestes-là», laisse tomber cette victime.

Les agressions ont débuté le jour de son 8e anniversaire. Elles ont perduré jusqu’à ses 17 ans.

Alors qu’elle était adolescente, cette femme originaire de Drummondville avait porté plainte à la police, mais elle avait dû la retirer.

«J’ai quatre autres frères et ma famille avait tenu une rencontre où chacun devait voter à main levée pour savoir ce que je devais faire. J’ai été obligée d’enlever ma plainte en disant que j’avais menti », rapporte-t-elle. Sa mère lui avait d’ailleurs signifié qu’elle resterait à jamais derrière son mari.

Son père avait alors été obligé par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) de suivre une thérapie, même s’il persistait à nier les faits.

Mieux vaut tard que jamais

À l’aube de la trentaine, Mme Lefebvre s’est de nouveau adressée à un enquêteur pour lui raconter son histoire. Cette décision a laissé un froid dans la famille. «J’ai deux frères qui ne me parlent plus. J’ai coupé contact avec mon père et ma mère depuis cinq ans», illustre-t-elle.

Par chance, elle n’était pas seule. Durant le processus judiciaire, Mélanie Lefebvre a reçu l’aide du CAVAC Centre-du-Québec.

Elle a pu compter sur trois anges gardiens, c’est-à-dire ses grandes amies Annick Desroches, Geneviève Labonté et Lyne Smith.

«Même si j’ai été agressée pendant toutes ces années, je me suis aperçue qu’il y a beaucoup de bon monde dans la vie. Il y a toujours quelqu’un sur notre route sur qui on peut s’accrocher», soutient cette mère de trois enfants.

Son conjoint, son frère Sylvain Bernier ainsi que sa belle-famille lui ont également été d’un soutien indéfectible.

Pourtant, leur patience a été mise à l’épreuve. «Combien de fois s’est-on présenté au palais de justice uniquement pour voir une date être reportée?», relate Mme Desroches.

Surprise : le dossier s’est réglé vendredi et Rock Lefebvre a pris la direction de la prison. Aux oreilles de la victime et de ses supporteurs, le bruit des menottes sonnait comme une douce mélodie.

«Aujourd’hui, je me sens une femme libre. Un poids vient de tomber. C’est une phase de ma vie qui je vais mettre de côté. Ça ne s’oubliera pas. Les séquelles restent présentes, mais je vais pouvoir passer à autre chose», exprime celle qui habite maintenant à Saint-Cyrille-de-Wendover.

Croyant que son père a pu faire d’autres victimes, elle les invite à le dénoncer à leur tour. Son message vaut pour toutes personnes qui auraient subi de telles agressions. Même si elle a dû revivre des épisodes souffrants de son enfance, elle est convaincue que la démarche vaut vraiment la peine.

«Il faut tenir son bout même si c’est un long processus. On en sort gagnant», communique-t-elle. Et à défaut de porter plainte, Mme Lefebvre insiste sur l’importance d’en parler…

Pour sa part, les amies qui l’ont accompagnée ont vu le «garçon manqué» qu’elle était devenir une femme exceptionnelle… celle qui se réconcilie peu à peu avec son passé.

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