«T’es pas obligé de t’acheter un « string » à 8 ans!»

«T’es pas obligé de t’acheter un « string » à 8 ans!»
Les féministes d'ici encouragent l'esprit critique des jeunes filles vis-à-vis des exigences qui leur sont «imposées».(Photo : Ghyslain Bergeron)

Le récent rapport du Conseil du statut de la femme (CSF) sur l’hypersexualisation chez les jeunes filles est bien accueilli dans la région. Si les médias se retrouvent au banc des accusés, des féministes déplorent que des magazines montrent aux jeunes filles comment faire une fellation aux garçons… de sixième année.

Le Calacs La Passerelle ne fait pas que partager le rapport du CSF : il l’applaudit. Depuis deux ans d’ailleurs, l’organisme qui lutte contre les agressions à caractère sexuel se documente de façon soutenue sur le sujet.

L’intervenante à La Passerelle, Jocelyne Desjardins, n’en revient pas que des fillettes de 8 ans portent un soutien-gorge même si elles n’ont pas de poitrine, simplement parce que c’est beau.

Elle pointe bien sûr la publicité, qui montre des femmes sexuellement disponibles à tout temps de l’année. Mme Desjardins déplore le message principal qui est véhiculé, insidieusement, voulant que les femmes peuvent être consommées. «On a rien contre le sexe, mais contre le message voulant que les femmes ne sont valables que si elles sont sexuellement attirantes», a-t-elle insisté.

Il est clair, selon elle, que l’hypersexualisation chez les jeunes filles fait fi de tous le processus de prise de conscience de soi et de construction de l’estime personnel. «Il faut s’en préoccuper : c’est à cet âge-là qu’on forme sa personnalité», a pour sa part signifié Francine Ducharme, coordonnatrice de La Table de concertation des femmes du Centre-du-Québec.

Cette organisation a d’ailleurs accueilli le rapport du CSF sans surprise. «On connaissait déjà la donne. On s’intéresse à la chose depuis quelques années. On fait partie du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes», a-t-elle fait savoir.

Mme Ducharme estime que l’hypersexualisation des jeunes filles a connu une progression en accéléré depuis les années 2000, soit depuis Internet.

L’obsession corporelle

Charmer, plaire, séduire, voilà comment se résume trop souvent le rôle des filles dans la publicité, d’après le rapport du CSF.

Une apparence «sexy» permettrait aux femmes de s’émanciper, ce que Mme Ducharme remet en question. «Je me demande jusqu’où c’est réellement une forme de pouvoir pour les femmes. C’est plutôt l’esclavage du corps, car ça demande de répondre au diktat de la mode, du corps. Il faut être parfaite, il faut correspondre à une image idéalisée de la femme à laquelle très peu d’entre nous répondent», est-elle d’avis.

Elle cite également au passage un article paru dans un magazine jeunesse qui s’intitulait «10 façons de plaire à son chum». «C’était carrément de la séduction. La fille était complètement oubliée. Son but dans la vie était de plaire à son chum, point à la ligne», s’est-elle offusquée.

La coordonnatrice de la Maison des femmes de Drummondville pose le même constat. L’organisme a d’ailleurs distribué nombre de copies du magazine féministe «Audacieuse» dans divers commerces, l’an dernier, pour contrebalancer la tendance et proposer des valeurs plus saines. «Pour l’ensemble des filles futures, ça n’a pas d’allure et pour les p’tits gars, ce n’est pas mieux. Ils ont les mêmes exigences de ce qu’ils voient dans les médias. Dans leurs relations avec les p’tites filles, ça a des impacts énormes. Ça n’a pas de sens…», a-t-elle commenté.

Mme Jean est convaincu qu’autant les jeunes, l’école et les parents ont un rôle à jouer. Être attentif aux besoins des jeunes et encourager leur esprit critique représenterait une solution.

Constat d’échec?

Même si le CSF constate l’échec de la lutte aux stéréotypes sexuels et sexistes ainsi qu’aux rapports sociaux de sexes égalitaires, Mme Ducharme est plus optimiste.

«Effectivement, on voit que tous les efforts ne donnent pas les résultats souhaités. On avait pensé que cet acquis-là était consolidé», a-t-elle estimé.

Mme Ducharme voit plutôt, le «bascklash» du féminisme. «On ne sait pas trop où aller, quoi faire. On essaie de revenir en arrière…», a-t-elle laissé tomber.

Le gouvernement du Québec a d’ailleurs annoncé lundi qu’il verserait 183 000 $ pour une tournée de formation afin de mieux outiller les jeunes face à l’hypersexualisation.

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