«Vivre est un privilège»

«Vivre est un privilège»
La photographe Lucie Choquet et Maggy Van Uytfanck ont développé une belle amitié. (Photo : Josyane Cloutier)

VIVRE. Le cœur de Maggy Van Uytfanck a manqué un battement lorsque, quelques jours après ses 19 ans, on lui a diagnostiqué un cancer rarissime.

Tout a commencé par des douleurs aux côtes, à l’automne de ses dix-huit ans. «J’avais mal dans le dos, mais je ne savais pas vraiment pourquoi. Je n’en ai pas fait de cas. Je n’ai jamais été très malade, donc ça n’a pas été la première chose à laquelle j’ai pensé», se remémore-t-elle. Elle a consulté chiropraticien, médecin, massothérapeute, a changé de matelas, fait des tests… Aucune démarche n’a été vraiment concluante, jusqu’au moment où un ostéopathe lui a vivement conseillé de pousser plus loin.

«J’ai fini mes examens finaux au cégep sur la morphine, et la bosse grossissait toujours sur ma côte. Ça a été très difficile.»

La jeune adulte a finalement passé des biopsies et plusieurs autres tests plus poussés à l’hôpital Sainte-Croix le jour de ses 19 ans, à la fin décembre.

Cette première photo représente comment Maggy a vécu avec l’annonce du diagnostic. (Photo Lucie Choquet)

Le 4 janvier, le verdict tombe : un cancer des os. Agressif. Et si rare que seulement trois personnes sur un million devront composer avec cette maladie, appelée un sarcome d’Ewing. Il s’est écoulé environ six mois entre le début des douleurs de Maggy et le diagnostic.

«Pour moi, c’est un coup de poing au visage plus qu’une simple maladie. On voit le cancer dans des annonces à la télé, mais jamais tu ne te dis que ça va t’arriver à toi. Ça te prend par surprise. Je me suis souvent demandé pourquoi ça m’arrivait à moi», exprime la jeune femme.

Deuxième choc le 13 janvier, lorsqu’elle apprend que ce que les médecins considéraient être une masse isolée s’est révélée être répandue à huit autre endroits dans son corps.

Ses traitements ont débuté à la fin janvier au Centre hospitalier de l’Université Laval (CHUL), à Québec, où les professionnels sont un peu plus outillés qu’à Drummondville pour ce type de cancer.

Elle doit d’ailleurs subir quatorze traitements avant de pouvoir espérer être rétablie.

Elle a dû arrêter ses études en sciences de la nature au Cégep de Drummondville. En fait, toute sa vie a été mise sur pause pendant un an. «Tout le monde autour continue d’avancer mais toi, tu n’as pas le choix de rester là.»

La jeune femme se souvient que les premiers temps n’ont pas été faciles. «Au départ, je vivais dans le déni. Je ne voulais pas me lever, j’étais à terre, surtout après avoir expérimenté les effets secondaires de la chimiothérapie les premières fois. Ça m’a pris deux mois avant de me dire : OK, cette affaire-là ne m’aura pas. Je veux vivre. Je veux pouvoir faire ce que je veux.»

Pour Maggy Van Uytfanck, le cancer est l’équivalent de montagnes russes : si les bas sont très nombreux, elle croit néanmoins avoir appris à profiter des hauts, encore plus qu’avant. «Après les chimios, j’ai souvent quelques jours où je vais mieux avant que les effets frappent. J’en profite pour sortir dehors, pour voir des gens, pour aller au restaurant, voir des spectacles de musique. Je suis allée à La Ronde cet été, avec des amis. Ce sont ces moments-là qui font toute la différence. Je les apprécie. Les petits détails sont extrêmement importants.»

Sa famille, déjà tissée serrée, s’est beaucoup rapprochée au cours de cette épreuve. Son père a laissé son emploi pour s’occuper d’elle et l’accompagner à Québec pour ses traitements. Son copain l’a consolée d’innombrables fois, et a cru en sa force dès le début. «Ma famille est incroyable. Ils m’ont beaucoup aidée. Ce sont de petits détails qui valent gros», exprime-t-elle d’un ton reconnaissant.

«La maladie a plusieurs visages»

Maggy Van Uytfanck avait déjà aperçu les photos d’une Trifluvienne atteinte du cancer, sans ses cheveux, et avait bien aimé l’idée. Pourtant, c’est après une séance de photos de famille, peu de temps après l’annonce de son diagnostic, que l’idée est devenue plus tangible. «On voulait avoir des belles photos avant que je perde mes cheveux. Mon père a pris l’annuaire téléphonique et a choisi Lucie [Choquet] au hasard. Nous étions tous en pyjama quand mon père nous a annoncé que la photographe arrivait dans une heure à la maison», rigolent Maggy et la photographe Lucie Choquet. Cette dernière avoue avoir été prise de court par cette demande, qualifiée d’urgente par M. Van Uytfanck.

Après le diagnostic vient le combat contre la maladie. «Bref, tant qu’à être là-dedans, on va se battre.» (Photo Lucie Choquet)

Quelques mois plus tard, les deux femmes se sont recontactées pour mettre l’idée de la séance personnelle sur pied. «Je l’ai encouragée à se lancer dans quelque chose qui l’inspirait le plus possible, pour stimuler son côté artistique, car on sait que l’art est extrêmement bénéfique au bien-être, étant donné que le mental a un pouvoir énorme sur le corps, raconte Lucie Choquet d’un air tendre. Et je l’imaginais, réfléchir à ses poses, aux couleurs de maquillages, de robe, de background… etc. Cela lui a permis un petit peu, je l’espère, d’échapper aux pensées plus tristes qui doivent être souvent présentes. Une petite évasion, en quelque sorte.»

Une affection évidente entre les deux femmes est d’ailleurs née de cette collaboration. Quiconque les observe croit qu’elles se connaissent depuis plusieurs années alors que, dans les faits, elles ne se sont pas vues plus de cinq fois. Et si, au départ, Lucie et Maggy étaient censées y travailler toutes seules, une véritable équipe a fini par participer au projet : maquilleuse, fleuriste…

L’oeuvre photographique raconte le cheminement de Maggy en trois étapes : le diagnostic, le combat et la guérison. «La maladie a plusieurs visages», explique la photographe.

Toutes les illustrations sont accompagnées de réflexions de la jeune adulte, afin d’exprimer comment elle voit le cancer de la façon la plus juste possible.

Le but n’était pas de les partager, d’après Lucie Choquet, mais après avoir vu le résultat, elles ont décidé de le publier.

«Les gens ne comprennent pas nécessairement ce que c’est que de vivre avec le cancer. Je pense que le but est d’apporter de l’espoir aux gens malades», précise Maggy.

La vie après la maladie

Aujourd’hui, presque un an après avoir appris son diagnostic, Maggy Van Uytfanck est à l’aube de conclure sa chimiothérapie. Son parcours n’est pas terminé, mais elle estime avoir pris beaucoup de maturité au cours de la dernière année. Et la pensée positive joue un rôle très important.

L’étape finale : la guérison. L’espoir. «Tout doit renaître, et c’est ce que j’ai voulu exprimer dans ces dernières photos.»

«C’est plus facile à dire qu’à faire, mais c’est important de rester optimiste. C’est vraiment cette mentalité qui fait que tu peux passer au travers de quelque chose. C’est ton esprit qui décide si tu continues à avancer ou pas. Ton corps va recevoir les traitements et s’en sortir, mais c’est ta tête qui décide de tout. Il faut trouver la force nécessaire à l’intérieur de soi, et pas la chercher chez les autres.»

La jeune femme entend reprendre ses cours au cégep prochainement, dans le but d’obtenir son diplôme d’études collégiales.

«Il faut se fixer des petits et des grands projets. Des petits projets pour le lendemain, comme aller patiner. Des grands projets, pour un futur plus éloigné. Je me disais qu’après la chimio je retournerai à l’école, je partirai en voyage… Trouve ce qui te motive, ce qui te passionne. Vivre est un privilège.»

Partager cet article