«La vie en pénitencier est un reflet de la société» – Marc Lanoie

«La vie en pénitencier est un reflet de la société» – Marc Lanoie
Marc Lanoie prendra sa retraite incessamment. (Photo : Photo Gracieuseté)

DOSSIER. L’Express a eu un accès privilégié à l’Établissement Drummond et a réussi à obtenir, après plusieurs mois de démarches, un entretien avec le directeur sortant Marc Lanoie, qui prend sa retraite ces jours-ci après 32 ans de carrière. Compte-rendu.  

10h, un certain vendredi matin. La journaliste de L’Express entre sur le terrain de l’Établissement Drummond, le pénitencier à sécurité moyenne situé sur le boulevard Jean-De Brébeuf, dans le secteur sud de la ville. Déjà, l’impression d’entrer dans un autre monde se fait sentir.

À l’accueil, impossible pour les visiteurs d’entrer ou de sortir à leur guise : c’est un agent, assis dans un centre de contrôle, qui gère l’ouverture et la fermeture des portes de l’établissement. Après être passée aux rayons X et aux détecteurs de métal, exactement comme aux douanes, la journaliste est escortée par Michèle Bourbonnais, directrice adjointe du service de gestion, jusqu’aux bureaux de l’administration. Pour s’y rendre, il faut franchir un labyrinthe de portes ornées de barreaux et de corridors étroits. Des détenus lavent les planchers. Cela fait partie de leurs tâches, explique Michèle Bourbonnais.

C’est tout souriant que Marc Lanoie, directeur de l’Établissement Drummond, a accueilli la journaliste de L’Express dans son bureau.

Cela fait un peu plus de vingt ans que Marc Lanoie s’assoie dans sur chaise, mais 32 au total qu’il dirige des pénitenciers canadiens.

«Certains détenus ont l’impression que je purge une peine aussi», exprime-t-il.

Être directeur d’un tel établissement n’est pas toujours chose simple : en 2014, Marc Lanoie a dû aller témoigner à la Cour du Québec, puisqu’il avait été la cible de menaces de la part d’un détenu alors qu’il était à la tête du pénitencier de Donnaconna. Dominic Delisle, 27 ans au moment de l’accusation, avait suggéré de mettre une bombe sous sa voiture. «Ce sont des choses qui peuvent arriver, mais ce n’est pas fréquent du tout», assure Marc Lanoie.

Environ 300 personnes vivent actuellement au sein du périmètre de l’Établissement Drummond, sur une capacité totale de 369 détenus.

D’ailleurs, la répartition des prisonniers dans les établissements carcéraux n’est pas une mince affaire, au fédéral comme au provincial : plusieurs critères doivent être pris en considération, comme le profil du délinquant, ses besoins (les thérapies, par exemple), s’il y a des personnes qu’il ne peut pas côtoyer… Et contrairement à un bruit qui court en ville, le pénitencier n’accueille pas plus de délinquants ayant commis des délits sexuels sur des mineurs qu’un autre type de criminel. «Ça n’a rien à voir», affirme le directeur.

Au quart de tour

Les horaires des détenus sont réglés au quart de tour. Après le réveil et le déjeuner, leur journée est occupée par diverses activités : le travail, les études (les détenus ont la possibilité de suivre des formations scolaires, du secondaire au collégial, au sein du pénitencier), des programmes reliés à une thérapie, etc. Le soir, ils reprennent un repas ensemble à la cafétéria, avant d’avoir une période de temps libre. Des décomptes sont faits à de nombreuses reprises au cours de la journée. Des visites sont autorisées les soirs et les week-ends, à des heures précises.

Il y a une exception à cette règle : l’isolement, au cours duquel le détenu sera dans sa cellule 22h sur 24. «Pour qu’un détenu soit envoyé en isolement, il faut qu’il soit un danger pour lui-même, pour ses compatriotes ou pour l’établissement, ou qu’il soit sous enquête. C’est une mesure exceptionnelle», clarifie Marc Lanoie.

Et le directeur rappelle que le but premier d’un établissement carcéral est la réhabilitation. «Le cas idéal, à mon avis, est un détenu qui arrive ici et qui participe à tous les programmes ciblés, qui a un bon comportement et qui finit par faire une transition vers un établissement à sécurité minimale, avant d’obtenir une libération conditionnelle le plus rapidement possible et de devenir un citoyen respectueux des lois», décrit Marc Lanoie.

Un milieu incompris

Marc Lanoie est catégorique : le milieu carcéral mériterait qu’on s’y attarde davantage. «C’est un gros employeur à Drummondville, mais j’ai de la difficulté à recruter dans certains secteurs. Un pénitencier a aussi besoin d’adjoints administratifs, de comptables, de cuisiniers…»

Pour lui, les séries télévisées comme Unité 9 contribuent à la compréhension du public et, dans une certaine mesure, à démystifier les rouages du pénitencier. «Les intrigues entre les personnages sont romancées, on s’entend, et la vie réelle est beaucoup plus complexe que ce qu’on nous montre à la télé. Cependant, je pense que ça a peut-être développé un intérêt envers les prisons et les pénitenciers. Cela, en soi, c’est positif.»

«En fait, la vie en pénitencier est un reflet de la société : les réalités des gens qui vivent à l’extérieur de ces murs et à l’intérieur sont les mêmes. Nous devons, nous aussi, composer avec une population vieillissante et avec le même genre de problèmes de santé, comme le cancer. Nous avons les mêmes défis», estime Marc Lanoie.

 

L’Établissement Drummond en chiffres

Photo Deposit

– Le pénitencier a été inauguré en 1984.

-La capacité totale est de 369 détenus.

-Des 369 cellules, dont 60 cellules sont doubles (l’équivalent de deux cellules mitoyennes, sans mur les séparant).

-Une centaine de détenus étudient actuellement au sein de l’établissement.

-Environ 280 employés travaillent au pénitencier.

-Chacun des repas d’un détenu coûte entre 3,50 et 4$ en moyenne. Les menus sont établis par des diététistes en fonction du Guide alimentaire canadien.

-Les détenus qui travaillent sont payés entre 0,60 et 1 $ par heure. Ce montant peut leur servir à payer des produits d’hygiène, par exemple.

-Le budget d’exploitation du pénitencier tourne autour de 25 M $ par an.

-Quelques rénovations seront à prévoir au cours des prochaines années, comme la fenestration.

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