«Ils sont relégués aux oubliettes après nous avoir offert la lune»

«Ils sont relégués aux oubliettes après nous avoir offert la lune»
(Photo : Deposit Photo)

Cette lettre a été écrite par Jonathan Aubin

Petite anecdote pour vous montrer à quel point nos aînés sont laissés à eux-mêmes dans notre magnifique système de santé.

La nuit dernière, j’ai eu une conversation avec une de mes patientes. Une dame très âgée, qui a toute sa tête mais dont son autonomie est réduite. Pour ceux qui l’ignorent, je suis à l’URFI, unité de réadaptation fonctionnelle intensive à l’hôpital. La dame en question provient d’un centre de soins longue durée. Je travaille de nuit, il m’est donc parfois difficile de socialiser et quand cela se manifeste, le client est parfois assis sur une chaise d’aisance ou dans son lit attendant un calmant. Mais à chaque fois que j’en ai l’occasion, j’invite mes patients à s’ouvrir un peu plus sur leur situation, leur vie.

Pour être bref, lorsque Mme a été relocalisée, elle m’a expliquée que ce fut le début de la fin. Pas d’exercices pour maintenir sa délicate autonomie, pas de sorties, confinée soit au fauteuil roulant ou à son lit. Elle m’a avouée que pour la première fois de sa vie une grande solitude s’est emparée d’elle, suivie d’une perte d’autonomie. Que fait-elle sur mon unité?

Un médecin a perçu un potentiel de réadaptation avec un certain traitement X. La dame retrouve aujourd’hui peu à peu ses forces et m’explique que pour la première fois depuis des lustres elle veut en donner un peu plus. Pas pour elle-même, mais pour ses enfants. Des yeux pétillants se mettent alors à briller lorsqu’elle me parle d’un de ses garçons qui la visite presque tous les soirs, le temps d’un café. Les autres ne vivent pas à proximité.

Peu importe le quart de travail, le personnel soignant devrait être en mesure d’avoir ces petites «capsules» quotidienne avec sa clientèle. Malheureusement, il croule sous les tâches. Ligotés, impuissants, nous assistons à la disparition de l’humanisme. J’ai la chance de travailler dans un domaine où il m’arrive de remettre les choses en perspective fréquemment, de me remettre en question, d’en apprendre davantage sur le chemin de la vie. Est-ce que les deux médecins à la tête de la province peuvent en faire autant? Prenez soins de vos aînés. Ils ne méritent pas d’êtres relégués aux oubliettes après nous avoir offert la lune.

Jonathan Aubin

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