Revisiter l’hymne et la vision du Canada

La terre n’est pas éternelle. Elle a au moins connu un commencement, le moins qu’on puisse s’imaginer. Une fin d’elle n’est pas inimaginable non plus. En tout cas, la vie humaine et les créations de l’homme sont éphémères. Rien n’est éternel en dehors du Dieu des mystères et des contradictions. Existe-il par ce qu’il est, ou parce que la foi? Serait-il bienveillant et garant du bonheur, ou juge et livreur de malheurs? À la fois réels et imaginaires, nos mondes sont inéluctablement imparfaits et faits de contradictions. Nôtre est le défi de les parfaire continuellement, et les faire tendre vers l’inatteignable perfection.

Le jour de l’an 2012 j’ai décidé d’écrire au sujet d’un symbole quasi intouchable et sacré, qu’est l’hymne national canadien «ô Canada». Mon but est de suggérer de le revisiter. C’est un sujet délicat, qui m’intrigue depuis l’école de la citoyenneté canadienne, où j’appris à chanter et me l’approprier. «Ô Canada, terre de nos aïeux, ton front est ceint, de fleurons glorieux»! Fabuleuse allégorie!, n’est-ce pas? Attention, la suite saurait faire chavirer une chaloupe dans les eaux glacées du Saint-Laurent. «Car ton bras sait porter l’épée, il sait porter la croix»! Que je ne sache plus chanter, et que la Reine me pardonne.

Je n’ignore pas le contexte de l’inspiration de notre hymne. Mais aussi je ne peux faire semblant d’ignorer l’évolution. En effet, nous sommes de plus en plus nombreux, Canadiens arrivés saignés de l’épée d’ennemis inconnus. Même si seulement une seule personne était concernée, ma pensée pèserait les mêmes livres. Chanter la gloire de l’épée est insoutenable. Nous ferions mieux de chanter celle de la paix.

Par le passé le Canada s’est blessée au ventre tel un aiglon aux ongles longs, dans des guerres de colonies contre les autochtones et entre colonisateurs. Ce passé n’est somme toute pas glorieux. Par contre la Canada s’est construit avec des processus de la paix, entre classes sociales, nations et pays. Notre gloire et notre fierté universelle est sans conteste le legs de reconnaissance de l’existence des «premières nations», le legs d’un pays équipé, le legs du Casque bleu aux Nations Unies, le legs de la charte canadienne des droits et libertés.

Le Canada peut-il ne pas être ce pays pacifique et pacifiste de mon rêve, du rêve que je crois de tous les Canadiens ? Manifestement, tout pays prendra la direction que lui imprimeront ses dirigeants. En démocratie, les dirigeants changent, et avec eux le pays. Le Canada sous Lester B. Pearson ou sous Pierre E. Trudeau se trouve sur une orbite distincte de celle du Canada actuel, sous Stephen J. Harper. Jadis pacifiste, aujourd.hui belliciste. La grogne des élus et dans la rue que suscita en début du mandat de Harper l’emprisonnement des talibans en Afghanistan par notre armée, s’est évaporée sans laisser de traces alors que le Canada devait prendre les devants d’une guerre sale (elles sont toutes sales!) en Libye l’année dernière.

Il semble que bien des Canadiens, surtout de l’Ouest dans le fief des Conservateurs, sont aujourd’hui à l’aise avec l’image d’un pays militariste sachant «porter l’épée». Étaient-ils brimés sous les gouvernements précédents? Je crois plutôt que nous arborions tous un sincère sourire de «pacifistes», et le monde nous l’aura revalu de bien de façons. Qu’est-ce qui nous a alors changés, si ce n’est la pensée et la direction de Stephen J. harper? Pourtant, d’aucuns diront que la démocratie assure au peuple d’avoir des dirigeants à son service et qui ne froisseront pas ses convictions et ses aspirations. Si cela est en partie vrai, le défi de tout système de gouvernance sera d’assurer la pérennité et la cohérence des valeurs identitaires nationales. Ces valeurs sont traduites par et à travers les symboles nationaux, tel le drapeau, le sceau et l’hymne.

Aux élus en particulier et à tout un chacun je soumets ma demande : «Ne devrions-nous pas revisiter l’hymne du Canada pour y inscrire les valeurs de la paix en lieu et place de celles de l’épée?».

Francois Munyabagisha, Drummondville

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