«Pourquoi ne pas l’avoir dit?»

«Pourquoi ne pas l’avoir dit?»
(Photo : Depositphotos)

Dans la foulée des dévoilements de femmes ayant été victime d’agression sexuelle des dernières semaines, nous avons lu et entendu toutes sortes de témoignages, d’opinions (plus ou moins gracieux) à l’égard des survivantes d’agression sexuelle. La question qui semble «indigner» les gens c’est : «Pourquoi ne l’avoir jamais dit?».

Cette question, pour nous, ne se pose pas… nous concevons que celles et ceux qui n’ont jamais vécu d’agression sexuelle puissent se la poser. Il n’en demeure pas moins qu’elle nous blesse profondément. Car cela implique que nous avons caché un crime, que nous n’avons pas «dénoncé» un agresseur. Donc les préjugés coulent à flot… «Ce n’était pas si grave, tu l’as cherché. Y’as-tu pensé? Il a eu la liberté d’agresser quelqu’une d’autre!», agrémenté de «ça se peut pas, c’est un bon gars!».

Nous ne l’avons jamais dit parce que :

Nous nous sommes senties humiliées, salies par l’agresseur. Il nous a menacées.

Nous ne voulions pas faire éclater la famille, perdre notre travail, faire du tort à une personne influente… C’était notre père, notre oncle, notre frère, notre meilleurs ami.

On avait 6 ans, 14 ans, 16 ans… que pouvions nous connaitre des droits que nous avions ou pas sur nos corps et notre sexualité? Nous avons trouvé plus facile de ravaler, de se taper sur la tête (comme bien des gens le font à notre égard), de garder ça pour soi et de penser que ça faisait partie de la vie…d’une fille. On a fait l’apprentissage de l’auto-mépris.

Avec le recul nous constatons les ravages que cela a causés sur nos vies.

Les agressions (l’agresseur) ont tué notre vitalité, nous ont rendu insécures.  Elles nous ont enlevé la possibilité de réussir notre vie. Les préjugés sur les agressions et surtout sur les victimes (en l’occurrence nous) sont tenaces, violents et souvent générés par la colère, le mépris et par l’aveuglement collectif. Ils se nourrissent de messages basés sur des préjugés qui nous empêche et nous a empêché de le dire.

Aujourd’hui, peu à peu, nous reprenons le pouvoir sur nos vies. Nous sommes des SURVIVANTES, nous nous sommes relevé et on s’est inventé, on a choisi notre vie et cassé nos chaines. On ose dire autour de nous qu’il est important d’en parler, et ce à qui nous choisirons, jusqu’à temps que nous trouvions une oreille  empathique.

C’est le souhait que nous faisons aussi pour toutes les survivantes.

Cette lettre a été composée collectivement par des membres du groupe de soutien de jour du CALACS LA PASSERELLE (centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel)  

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