Pénurie de main-d’oeuvre : Sixpro recrute à l’autre bout du monde

Pénurie de main-d’oeuvre : Sixpro recrute à l’autre bout du monde
Tadique Kenedy Villarin et Saliling Vivencio sont deux des quatre Philippins embauchés chez Sixpro

La problématique du recrutement de la main-d’œuvre dans la région de Drummondville est telle que des entreprises n’hésitent pas à se rendre à l’étranger, aussi loin même qu’aux Philippines, pour embaucher des travailleurs.

C’est le cas de Richard Bourbeau, président de Sixpro, une usine spécialisé en application de revêtement de surface, située à Notre-Dame-du-Bon-Conseil. Il confirme que l’expérience est concluante après six mois.

«Il y a deux ans, j’avais été approché pour embaucher des Philippins, qui étaient réputés de vaillants employés. Au début, je me suis demandé s’il n’y en avait pas des plus proches…Mais finalement je me suis rendu aux Philippines où j’ai rencontré des candidats. J’en ai embauché quatre qui ont commencé à travailler au mois de mars dernier. Depuis, ça va bien», confie Richard Bourbeau.

L’homme d’affaires considère que l’entente, qui doit intervenir entre l’employeur et son futur employé avant son départ pour le Canada, a des avantages pour les deux parties. «Mon entreprise a été en mesure de diminuer le taux de roulement, de combler le manque à gagner pour fonctionner à pleine capacité et d’acquérir de nouvelles compétences. De leur côté, ces Philippins veulent travailler et tiennent à améliorer leur qualité de vie. Ils sont heureux d’envoyer de l’argent à leurs familles et peuvent demander éventuellement un permis de travail permanent. Et s’ils peuvent faire venir leurs familles ici, c’est le gros lot, car la plupart souhaitent immigrer ici pour bénéficier d’une existence plus confortable».

Selon M. Bourbeau, l’entreprise doit s’attendre à ce que l’employé ne maîtrise pas le français et peu l’anglais. «Il faut aussi considérer qu’engager un travailleur étranger temporaire peut prendre de 8 mois à 1 an et demi, tout dépendant des dossiers. Il faut prévoir, par exemple, des négociations avec le syndicat. Mais lorsqu’un contrat de travail est signé, le travailleur étranger temporaire est lié à l’entreprise. Il ne peut quitter pour travailler chez un compétiteur. C’est moins compliqué qu’avec certains des travailleurs de chez nous qui abandonnent après trois ou quatre mois. Ils disent avoir besoin d’un break…»

Le patron de Sixpro a procédé à l’embauche d’un autre groupe de Philippins. Il n’a pas eu besoin cette fois de se déplacer à l’autre bout du monde, la communication par Skype a été suffisante. «Il faut bien sûr prévoir au début un encadrement particulier pour ces travailleurs étrangers qui doivent être accompagnés et formés. Mais en général, ils s’adaptent bien car ils ont de l’expérience. La machinerie est peut-être différente, mais c’est comme faire du vélo avec trois vitesses et passer à un vélo à 20 vitesses, on s’habitue rapidement. De plus, ils savent un peu à quoi s’attendre car ils ont déjà travaillé à l’étranger, soit en Asie, soit dans des pays arabes. Mais dans ces pays, ils ne peuvent pas immigrer, alors qu’au Canada ils peuvent le faire», de préciser celui qui fut intronisé à titre de 25e bâtisseur au Temple de la Renommée de la Chambre de commerce et d’Industrie de Drummond.

Dans ce contexte, il faut savoir que l’entreprise désirant opter pour le recrutement à l’étranger doit compléter l’ensemble du dossier d’immigration, incluant plusieurs formulaires dont ceux liés au permis de séjour, au visa et aux données biométriques. Il existe des firmes professionnelles dans ce domaine.

Comme le signale par ailleurs Carl Binette, d’Aéronergie, qui accueillera en octobre un autre ingénieur français au sein de son équipe, il y a beaucoup de paperasse à remplir. «Ça peut prendre jusqu’à un an et demi pour compléter tout le processus et il faut faire la preuve que le poste n’a pu être comblé par un Québécois.

On sait que les problèmes de recrutement se font sentir chez de nombreux employeurs, surtout là où les postes sont plus spécialisés. À certains endroits, des machines sont arrêtées, ailleurs des commandes sont refusées et des clients doivent tourner les talons, faute de main-d’œuvre. Comme l’avait relevé L’Express à la suite d’une entrevue avec Éric Côté, président du groupe Soucy, il y a des entreprises qui volent à leurs voisines des ingénieurs puisqu’elles sont incapables d’en trouver ailleurs.

Consciente de ce problème important, qui est appelée à devenir une crise majeure autour de 2020, la Ville de Drummondville, en collaboration avec la Société de développement économique (SDED), est à préparer une stratégie «agressive» pour contrer, ou du moins atténuer, ce phénomène qui semble être plus percutant dans notre région.

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