Ode à la lenteur

Ode à la lenteur
(Photo : Photo Deposit)

GRANO DU BUREAU. Le temps passe trop vite. Déjà, on est en 2018. Je n’ai jamais vu ce chiffre venir.

Pouvez-vous croire que les bébés nés en 2000 pourront aller voter aux prochaines élections? Ils n’ont même pas connu le verglas…

Je le vis un peu comme un lendemain de veille. Comme une claque en plein visage.

Ça passe trop vite pour moi. Je vous l’avoue : je suis lente. Je m’auto-diagnostique un talent pour la lenteur, à un âge et à une époque où tout s’accélère.

Je me suis donc fixé un objectif pour cette année : ralentir le passage du temps. C’est un méchant projet, me direz-vous, et vous n’avez pas tort. Mais en même temps, ce n’est pas impossible à petite échelle.

Avant de vous exposer ma théorie, je tiens à préciser que je ne suis pas une scientifique et que je suis loin d’avoir la vérité absolue. Cette conclusion n’est qu’un amalgame de connaissances que j’ai acquises au fil de mes recherches et de mes expériences personnelles. J’amène une réflexion, mais le reste vous appartient.

Enfant, tout est merveilleux, tout est nouveau. On découvre sans arrêt. Avec le temps, notre perception du temps s’accélère : le monde devient familier, et la routine s’installe. Les invitations à l’aventure se font plus rares.

Dans le journal The New Yorker, le neuroscientifique américain David Eagleman l’explique ainsi [en traduction libre]: «Le temps est quelque chose de caoutchouteux. Cela s’étire quand on utilise vraiment toutes les ressources de notre cerveau, mais lorsqu’on s’habitue et qu’on se dit qu’on a compris comment cela fonctionne, cela se rétrécit à nouveau.»

Et cette idée n’est pas nouvelle : déjà en 1890, le psychologue américain William James écrivait dans son ouvrage The principles of psychology [en traduction libre] : «Dans la jeunesse, il est possible que nous ayons une expérience absolument nouvelle à chaque heure du jour. L’appréhension est vive, la mémorisation très forte, et nos souvenirs de ce temps, comme ceux passés lors d’un voyage intéressant, ont quelque chose de complexe et de durable. Mais, à la mesure où les années passent et transforment quelques-unes de ces expériences en routine, laquelle nous avons peine à noter, les jours et les semaines se fondent en une collection d’unités impossibles à quantifier».

Le temps n’est donc pas quelque chose d’universel, mais plutôt une question de perception. On peut donc le déjouer, dans une certaine mesure, à la fois en semant des graines d’aventure dans son quotidien, mais aussi en prenant conscience de ce qui nous entoure. Prendre le temps, simplement. D’écouter le vent dans les arbres. De sentir le soleil réchauffer sa peau. De rire avec une personne chère. De boire une gorgée de café, et surtout, de prendre le temps de la goûter. De fermer les yeux, et être attentif à sa respiration. De laisser de côté son téléphone, fermer Facebook pour une fois, et juste regarder devant.

Dans un monde régi par l’électronique où le temps ne cesse d’accélérer, il faut apprendre à ralentir. Apprendre à profiter un peu, et à ne pas voir le temps qui s’écoule comme une malédiction ou comme une source de culpabilité.

Pourquoi se mettre autant de pression? Pourquoi toujours vouloir tout faire en même temps au lieu d’y aller un petit pas à la fois?

Je crois beaucoup au pouvoir des petits gestes, et ralentir, c’est ça aussi : être indulgent envers soi-même. Mettre l’accent sur la progression plutôt que sur la performance.

C’est ce que je vous souhaite pour cette nouvelle année : soyez lents, et vivez bien avec ça.

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