Noël en pièces choisies

Noël en pièces choisies
(Photo : Depositphotos)

J’aime quand même l’esprit de Noël. Je m’amuse beaucoup à observer toute cette effervescence qui anime le MONDE, tout ce bonheur, même factice.

1.     Pour les grincheux de Noël, votre seule manière d’échapper à cette folie, c’est d’ACCEPTER de passer pour ne pas être du monde. C’est d’ailleurs ainsi que Jésus appelait ses disciples, en les désignant comme n’étant pas du monde (Jean 15). Quand on accepte ce qui est, chaque moment est le meilleur qui soit. Parlant de folie, la nôtre, célébrée  ici à Drummondville le 31 décembre est franchement intéressante. Ça mérite qu’on s’habille de ses plus chauds et de ses plus beaux habits pour se mettre « sur son 31 » comme en France ou « sur son 36 » comme au Québec.  D’où viennent ce 31 et ce 36?  On croit que tous les deux font référence aux tissus de ces plus beaux habits, soit le trentain, un tissu de luxe devenu « trente un » puis « trente et un », ou soit un tissu de 36 pouces de large de très belle qualité.   

2.     Noël, c’est la venue du petit Jésus. Il est venu pour LES AUTRES. Sa vie est une offrande, symbolisée par la croix. Nous sommes tous également nés les uns pour les autres (Marc Aurèle). Notre  préoccupation finale doit être l’autre. Nous sommes chrétiens pour les autres, pas pour nous sauver nous-mêmes. Notre monde fonctionne donc à l’envers, où chacun, « en assurant sa propre vie, la perd » (Matthieu 10). Toute sa souffrance provient donc de là. Elle provient du désir égoïste d’être soi-même heureux plutôt que du désir que les autres le soient, notre propre bonheur devenant alors notre but final plutôt qu’un moyen en vue d’aider les autres.

3.     Á  Noël, Dieu s’est fait homme en Jésus par le mystère de l’Incarnation. Seul le christianisme a osé cette histoire inconcevable. Même Thomas d’Aquin, l’auteur de la Somme théologique n’y adhérait pas. En fait, chaque religion propose des réponses culturelles aux mêmes grandes questions universelles de la vie. Chacune a ses mystères et ses histoires inaccessibles à la raison humaine. Il en va de même pour le bouddhisme, bien qu’il soit davantage une discipline de l’esprit qu’une religion. Ses histoires inconcevables sont nombreuses, incluant principalement celle concernant la vacuité, une notion vieille de 2500 ans. Étymologiquement, en tibétain, le mot vacuité veut justement dire inconcevable. En comprenant la vacuité, on comprend, entre autres, que le monde n’est qu’un produit de notre esprit, même s’il nous paraît solide. Aujourd’hui, tout le monde y adhère, même dans les milieux scientifiques.   

4.     À l’origine, notre fête de Noël était laïque. On y célébrait, à la fin du mois de décembre, le solstice d’hiver, le soleil renaissant, toujours vainqueur de la noirceur. Cette fête est devenue chrétienne vers l’an 336 et s’est graduellement dénaturée depuis l’apparition de notre bonhomme ventru et barbu, supposément créé par Coca- Cola en 1931.  Noël est devenu une fête pour laquelle nous entretenons une relation amour-haine. Á la fois,  nous l’anticipons avec joie et avons simultanément hâte qu’elle se termine, étant tous davantage vidés, considérant qu’elle consiste souvent en des activités vides de sens. Du VENT! Et au surplus, tout le monde court. Alors pourquoi courir s’il est vrai que qui se hâte se hait? Haïssons-nous vraiment Noël? Choisissons plutôt de nous hâter lentement, comme le disait Boileau, ou mieux, choisissons la très spirituelle expérience du moment présent ou de la pleine conscience (mindfulness). Cette expérience nous apprend à apprécier le bien-être qui est pourtant DÉJÀ LÁ, en toutes circonstances, même seul, pauvre ou malade.

5.     Pour les chrétiens, Noël est le mémorial de la naissance du petit Jésus.  Un mémorial consiste en un appel au présent et un rappel du passé. Le rappel est bien connu à cause de cette idée mercantile de cadeaux placés sous le sapin, devant la crèche. Quant à l’appel, il est intérieur et concerne ma relation personnelle avec Dieu, laquelle passe incontournablement par ma relation avec LES AUTRES, incluant autant ceux qui sont du MONDE que ceux qui n’en sont pas. Mais quelle récompense mériterais-je si je n’aimais que ceux qui me ressemblent (Matthieu 5)?

6.     Á Noël, au-delà des cadeaux, les enfants croient qu’on fête l’anniversaire de naissance de Jésus. La naissance qu’on célèbre est toujours actuelle, toujours présente.  Autrement dit, ça pourrait être Noël à chaque jour comme ça pourrait être Pâques à chaque jour. Joseph Ratzinger, l’ancien pape Benoît XVI, présentait Noël comme une communauté de table dont les membres doivent se redonner la vie les uns aux AUTRES.  C’est donc Noël chaque fois que je redonne l’espoir (soleil renaissant, toujours vainqueur de la noirceur) ou la vie à quelqu’un. Et pour Maurice Zundel, c’est UNE SEULE et même chose que Dieu naisse et que l’homme soit, parce que Dieu est DÉJÁ LÁ, au-dedans de nous.  Il n’est pas descendu d’un ciel imaginaire.

7.     « Quels sont vos trucs pas chers pour le temps des Fêtes? », se questionnait récemment RDI économie.  J’ose la réponse suivante : Noël ne coûterait vraiment pas cher si chacun offrait aux autres le plus beau cadeau qu’on puisse faire, soit celui de la liberté, la seule vraie, celle qui nous aura libérés de ce qui nous empêche d’aimer, voire même nos ennemis (Luc 6).  Cet empêchement origine de nos états mentaux qui encombrent notre esprit et qui entretiennent nos souffrances. Toutes les grandes spiritualités du monde proclament cette liberté ou cette libération. Le Dieu de la Bible n’est-il pas, du début à la fin, un Dieu libérateur?  Et le nirvana, n’est-ce pas, par définition, la  libération de nos afflictions mentales? Un autre beau cadeau à offrir, mais relativement long à déballer, est celui de la patience parce que tous nos péchés, tout bien réfléchi, sont une forme d’impatience et aussi parce que le bonheur est là. En effet, la patience, comme le bonheur, sont UN SEUL et même état d’esprit qui ACCEPTE la vie telle qu’elle nous arrive, plutôt que comme on voudrait qu’elle nous arrive.

8.     Joyeux Noël! et Bonne Année!  Se souhaiter ainsi des vœux à l’occasion des Fêtes est une convenance vide de sens si elle est accompagnée d’aucun engagement de notre part.  S’engager peut également signifier prier ou méditer pour le bien des autres. La prière et la méditation sont deux formes d’engagement très puissantes, à ce point qu’en plus  nous obtenons souvent nous-mêmes ce que nous souhaitons pour les autres. Autrement, sans engagement, c’est du VENT. Enfin, bien au-delà des convenances, un joyeux Noël, pour moi, c’est « une maison chaude, du pain sur la nappe, des coudes qui se touchent » (Félix Leclerc).  C’est une « communauté de table ».  Dieu est partage. Sa table est un lieu pour se redonner la vie les uns aux AUTRES.  Se redonner la vie!    

René Gosselin, Drummondville

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