Forêt : encore des séquelles après 20 ans

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Par Jean-Pierre Boisvert
Forêt : encore des séquelles après 20 ans
Gaétan Grondin et Serge Nadeau. (Photo : Jean-Pierre Boisvert)

Vingt ans plus tard, les séquelles laissées par la tempête de verglas sont toujours apparentes dans les milieux forestiers de la région.

Juste une petite visite guidée dans les érablières et les plantations de pins et on comprend pourquoi le ministère des Ressources naturelles avait à l’époque classé le territoire de la MRC de Drummond comme étant «gravement» affecté par cette catastrophe naturelle, la plus grande, dit-on, dans l’histoire canadienne.
Serge Nadeau, technicien forestier à la Société sylvicole d’Arthabaska-Drummond, pointe du doigt un érable qui, à hauteur d’une quinzaine de pieds, affiche une déchirure très nette, mais l’arbre a continué, malgré cette blessure, à croître et à donner son précieux nectar.

Ce pin rouge présente une courbure inhabituelle, une conséquence du grand verglas.

«Cette déchirure, qui a été causée par une branche cassée sous le poids du verglas, est apparente parce que le propriétaire s’est montré patient avec les arbres blessés, leur donnant une chance de s’en remettre. C’était tentant à l’époque pour le producteur de couper les bois et les vendre aux usines. Il y avait de l’argent à faire rapidement et il y a eu des abus de récupération», se souvient Serge Nadeau qui était présent dans la région à titre de technicien forestier en 1998.
«Nous avions établi un plan de récupération des bois, sur une période de trois à cinq ans, afin de maximiser la pleine valeur potentiel des arbres en dépérissement. Il a fallu effectuer d’innombrables visites, peut-être 400 dans la MRC de Drummond, pour évaluer les dommages causés aux arbres. Les producteurs attendaient impatiemment ce rapport et c’était un moment sensible quand il leur était remis. Car c’est là qu’ils décidaient s’ils gardaient les érables ou s’ils les coupaient. C’est toute une décision quand on sait qu’un érable peut donner de l’eau sucrée pendant 50 ans. Recommencer à zéro prend des dizaines d’années. L’impact du verglas a été parfois de ralentir la croissance, parfois d’accélérer les coupes», fait-il remarquer.
Gaétan Grondin est ce propriétaire qui a su faire preuve de patience avec l’érablière qu’il a achetée un an avant le verglas dans un secteur de L’Avenir. En bon acériculteur, il a conservé les arbres qui avaient une chance de guérir et s’en félicite aujourd’hui. «J’avais 2700 entailles en 1997. J’en ai perdu environ 500 à cause du verglas, et j’en ai de nouveau 2700. Il faut être minutieux avec les érables», dit M. Grondin. Il s’est donné comme astuce de planter une punaise là où il a fait l’entaille le printemps dernier, de sorte qu’il saura où faire la prochaine, un peu à gauche ou à droite et un peu en bas ou en haut. Il prend soin d’aviser son interlocuteur que les entailles ne se font pas toujours au même endroit, ni sur la même ligne. «J’ai été patient, ajoute-t-il et c’est un conseil qu’il n’hésiterait pas à donner lors d’un éventuel verglas : «Ne vous en faites pas, vous allez vous en remettre, ça va juste prendre 20 ans…»
Certains autres peuplements forestiers ont été affectés différemment par la tempête de verglas. C’est le cas du pin rouge. Sur une plantation située à Wickham, Serge Nadeau montre des dizaines de pins rouges ayant la particularité d’être courbés à environ huit pieds du sol. «Cette courbure fait en sorte qu’on ne pourra miser sur une valeur «poteau» sur le marché. Ce qui veut dire que cet arbre n’aura pas sa pleine valeur».
Il reste que la forêt, malgré ces imperfections, a repris ses droits. «La nature n’abandonne jamais. Nous ne devons pas la sous-estimer, mais bien de lui faire confiance», clame-t-il.

La sécurité

L’aspect sécuritaire a été une priorité tout au long de la crise de janvier 98. «Il fallait faire attention de ne pas aller en forêt car, à tout moment, une branche pouvait nous tomber dessus. Il y a même eu une directive à l’endroit des techniciens forestiers d’éviter d’aller dans les bois pendant au moins deux semaines. C’était trop dangereux», se rappelle M. Nadeau.
Gaétan Grondin, qui est également formateur en abattage directionnel (Commission des normes de l’Équité, de la santé et sécurité au travail – CNESST), dit que plusieurs producteurs se sont blessés en tentant de couper eux-mêmes des arbres à l’aide d’une scie mécanique. «Ce n’est pas une bonne idée. Les gens ne savent pas comment s’y prendre. Une scie mécanique c’est comme une arme. Un cours est obligatoire et c’est d’une durée de 16 heures, dont la moitié est de la théorie et l’autre moitié de la pratique.» Selon lui, il est possible de se renseigner au Syndicat des producteurs de bois du Centre-du-Québec.

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