Sébastien Couture : la Couronne réclame trois ans ferme

Par Claude Thibodeau
Sébastien Couture : la Couronne réclame trois ans ferme

Au terme des représentations sur sentence marquées par le témoignage de la mère d’une des victimes et de Sébastien Couture, le responsable de la tragédie, le ministère public a réclamé une peine ferme de trois ans d’emprisonnement tandis que la défense a suggéré au juge Richard Grenier de la Cour supérieure une peine à purger dans la communauté. Le magistrat rendra une décision écrite le 15 août.

Sébastien Couture, 23 ans, de Saint-Zéphirin-de-Courval, a évité un procès en plaidant coupable, le 18 février, à l’accusation de conduite dangereuse ayant causé la mort de ses trois amis Jean-François Fournier de Princeville, Sébastien Carol et Brian Pitre de Drummondville. Le ministère public laissait alors tomber les accusations de conduite avec les capacités affaiblies et de négligence criminelle causant la mort.

Trois jours plus tard, le 21 février, le reconstitutionniste de la SQ, Gaétan Gotcher, démontrait que l’impact qui a tué les trois jeunes hommes le 15 avril 2006 à Daveluyville s’était produit à au moins 150 km/h et que le véhicule de Couture n’avait plus de freins et possédait des pneus en mauvais état.

«Le pardon n’est pas une solution»

Lundi avant-midi, le représentant du ministère public, Me Hugo Breton, a appelé à la barre la mère de Sébastien Carol, Lorraine Traversy, la seule ayant accepté l’invitation à s’adresser à la Cour.

Elle a lu une lettre préparée pour l’occasion. «À la lecture du rapport de l’autopsie, on a appris que notre fils était brisé en morceaux. S’il aimait la fête, Sébastien n’était pas d’accord pour mourir de cette façon», a-t-elle exprimé.

La mère a souligné avoir récupéré le corps quatre jours plus tard. «On aurait voulu pouvoir le serrer dans nos bras, mais on ne pouvait pas, il était tout en morceaux», a-t-elle précisé.

Mme Traversy a dit souhaiter que Sébastien Couture profite d’un temps de retrait de la société. «Il lui faut un temps d’introspection pour réfléchir aux actes commis issus d’une négligence inexcusable.»

La mère a également exprimé son incapacité à pardonner. «Le pardon n’est pas une solution parce qu’il banaliserait cet accident d’une violence extrême. Ce serait comme si rien n’était arrivé», a-t-elle signalé, ajoutant souhaiter que le jeune homme ne puisse plus jamais conduire «car la conduite relève d’un privilège attribué aux personnes responsables».

La femme a également déploré que certaines personnes aient parlé en leur nom. «On s’est sentis comme des victimes.»

Le témoignage de la mère de famille a été suivi de celui de Sébastien Couture. Pendant une quarantaine de minutes, le jeune homme a raconté les événements précédant l’accident dont il n’a, dit-il, aucun souvenir.

Il a fait état des consommations de bière, du joint qu’il a fumé après sa journée de travail.

Sébastien Couture a relaté qu’avec Brian Pitre et Sébastien Carol, il s’était rendu chez Jean-François Fournier à Princeville. Plus tard, le groupe s’est rendu au Disco-bar Évasion de Victoriaville, puis au restaurant. Après la bouffe, Couture raconte avoir donné ses clés à Brian Pitre dans le but d’aller s’étendre sur la banquette arrière de sa voiture. «Le souvenir que j’ai par la suite, a-t-il souligné, c’est d’être debout sur la scène de l’accident. J’essayais de savoir ce qui se passait. Je ne peux pas dire comment je me sentais.»

S’il n’a aucun souvenir d’avoir conduit, Couture signale que les policiers, à force d’arguments, lui ont fait comprendre qu’il avait bien pu prendre le volant.

En entendant le policier raconter la reconstitution du drame, le jeune homme a avoué ne pas bien se sentir. «Je n’étais pas bien, j’ai tout appris en même temps, au fur et à mesure.»

Questionné sur son existence, Sébastien Couture a qualifié sa vie de très fade. «Je n’avance pas, je n’ai aucune motivation. J’ai tenté sans succès un retour à l’école. Je n’ai plus le même goût de vivre. J’ai de la misère à faire avec, j’ai bien de la misère», a-t-il mentionné.

Couture soutient ne plus consommer ni alcool ni drogue depuis la tragédie. Il n’a, non plus, jamais repris le volant, ni le travail. «Ma vie sociale est ordinaire, a-t-il ajouté. Je reste chez nous, je ne fais pas grand-chose.»

Quant à l’état mécanique de son automobile, Sébastien Couture a indiqué que sa voiture allait bien. «Mes freins répondaient bien, mais les pneus étaient dus pour être changés», a-t-il avoué.

Commentaires des parties

Le procureur aux poursuites criminelles et pénales, Me Hugo Breton, a réclamé une peine ferme de trois ans d’emprisonnement et une interdiction de conduire. «Peu importe la sentence, ça ne ramènera pas les morts, a-t-il fait valoir. Mais on doit se baser sur deux éléments : la dénonciation et la dissuasion. On a un message à lancer à la population. Il faut dissuader tous les Sébastien Couture du Québec de conduire à haute vitesse, avec un véhicule en mauvais état et avec de l’alcool dans le sang.»

En citant notamment un cas de jurisprudence, celui d’Adam Rousseau, Me Breton a dit espérer du juge Grenier qu’il tienne compte, dans sa sentence, «de l’alcool qui fait partie de cette trame de faits, ce soir-là».

Du côté de la défense, même s’il ne fait aucun doute que Couture conduisait son véhicule et conscient de la gravité du geste, Me Jean-Claude Lagacé a plaidé pour une peine à purger dans la collectivité. «Mon client est dévasté, sa vie n’a plus le même sens, il n’a plus de dynamisme. Je pense que le message peut être transmis par une sentence dans la collectivité, compte tenu de différents facteurs, tels que l’absence d’antécédents judiciaires. Il est aussi plein de remords. Et c’était une aventure commune. Les trois amis avaient également consommé, certains plus que lui», a-t-il noté.

Le juge Grenier fera donc connaître sa décision le 15 août, une décision difficile. «J’ai vu la détresse des deux, de la mère et de monsieur. C’est difficile pour tous. Je ne veux pas détruire le jeune homme, mais on ne peut pas passer l’éponge complètement. Il faut trouver une solution adéquate», a indiqué le magistrat.

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