Décès d’Océanne Pagé-Dufour : la 122 «n’était pas praticable»

Décès d’Océanne Pagé-Dufour : la 122 «n’était pas praticable»
Océanne Pagé-Dufour avait 14 ans au moment de la tragédie.

CORONER. Le décès de la jeune Océanne Pagé-Dufour survenu le 18 mars 2016 sur la route 122 est relié au mauvais entretien de cette chaussée, selon le coroner Yvon Garneau, qui a relevé des «manquements importants» aux obligations contractuelles.

Le coroner est catégorique : «Le principal facteur contributif a manifestement été la chaussée glacée, mal entretenue», écrit-il dans son rapport rendu public jeudi.

Rappelons que le matin du 18 mars 2016, vers 7 h 30, Océanne Pagé-Dufour quitte la résidence familiale avec ses deux sœurs pour se rendre à l’école. L’adolescente prend place à l’arrière droit dans le véhicule. Quinze minutes plus tard, la voiture dérape sur la route 122 et entre en collision avec un véhicule circulant à sens inverse. Les deux roulent à une vitesse normale. L’impact arrive latéralement, où se trouve la jeune Océanne. Elle n’a eu aucune chance. Sa sœur de 18 ans, qui conduisait la voiture, et son autre sœur de 15 ans ont aussi été blessées, mais s’en sont sorties, de même que l’autre conductrice.

Durant la nuit, le rapport précise que des précipitations sous forme de neige sont observées et la chaussée devient alors glacée sur toute sa largeur.

Parmi les éléments étudiés lors de l’investigation, rien n’indique qu’une défectuosité de l’automobile était en cause. L’inexpérience de la conductrice a également été une hypothèse écartée.

Dans son rapport transmis au coroner, la reconstitutionniste de la Sûreté du Québec avait bien précisé que l’entretien n’avait pas été fait correctement. Selon elle, la chaussée présentait un couvert de glace d’au moins 2 à 3 cm d’épaisseur uniformément répartie, particulièrement, à l’endroit précis de la collision. C’est d’ailleurs le même constat qui a été fait pour le reste de la route 122, dont le contrat pour son entretien hivernal est en cause ici.

La chaussée était si glissante que les secours avaient eu de la difficulté à se rendre. Un patrouilleur avait même confié au coroner Garneau  qu’il avait failli «déraper» et qu’il était «surpris» de constater le mauvais état de la chaussée.

«En examinant de plus près les faits de cette tragédie, il m’est apparu que la route 122 dans le secteur Saint-Edmond-de-Grantham n’était plus praticable de façon sécuritaire (…) La situation n’exigeait qu’un bon entretien de la route (conformément au contrat). La conductrice de l’automobile dans lequel se trouvait Océanne Pagé-Dufour, le matin du 18 mars 2016, s’est-elle donc retrouvée, bien malgré elle, dans un piège?», soulève le coroner.

À la lumière des discussions avec des représentants autorisés du ministère des Transports (qui s’occupe d’octroyer les contrats de déneigement aux entrepreneurs), des éléments de preuve ont démontré que l’entretien de la route précisément où est survenu la collision fatale était non conforme aux exigences prescrites, notamment à l’égard de l’article 4.1 du devis spécial qui stipule que «dès le début, pendant et après la précipitation ou la poudrerie ou lorsque les conditions climatiques l’exigent, le prestataire de service doit procéder au déglaçage de la chaussée au moyen de fondants.» Une sanction a d’ailleurs été imposée en ce sens à l’entrepreneur en application du contrat qui l’avait lié avec le ministère.

Le coroner y a également noté une lacune au niveau du temps mis pour passer sur les lieux et exécuter le travail requis. Selon l’entrepreneur, l’un des véhicules de son sous-traitant est passé sur les lieux où est arrivée la collision, vers 4 h 15, en direction de Saint-Germain-de-Grantham (celle où se dirigeait la conductrice du véhicule dans lequel prenait place la jeune adolescente) puis, vers 7 h 15, dans l’autre direction. «Si l’entrepreneur roulait à une vitesse moyenne de 35 km/h (comme il l’affirme) le circuit désigné au contrat (46 km aller-retour) aurait pris environ 1 h 20 à parcourir.» L’entrepreneur n’a toutefois pas fourni d’autres précisions à ce sujet.

La quantité de fondants et d’abrasifs n’a pas été respectée également.

«Manifestement, les façons de faire retenues par l’entrepreneur se sont avérées inadéquates pour obtenir une chaussée non glissante», souligne Me Garneau.

Devant ces faits, le sous-traitant soutient qu’il a agi selon le cahier des charges.

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Les recherches effectuées dans le cadre de la présente investigation font ressortir un besoin flagrant d’un système de suivi de véhicule à l’aide de récepteurs GPS, de l’avis du coroner. L’heure à laquelle la déneigeuse est passée, l’endroit précis et la vitesse sont des informations qui pourraient être connues par le ministère. Ainsi le coroner recommande au MTMDET, qui a aussi sa part de responsabilité dans le dossier, d’inclure aux devis de ses contrats de déneigement et de déglaçage des clauses précisant les spécifications et le format de données devant être transmises par GPS aux systèmes informatiques du ministère.

«Le ministère pourrait réviser, de façon continue, ses manières de procéder afin de gagner en efficience et d’optimiser ses opérations hivernales. Par le fait même, le nombre d’accidents causés par un état de la route défaillant serait diminué. Les coûts afférents pourraient, je le suggère, être assumés par les entrepreneurs eux-mêmes», explique-t-il.

Océanne Pagé-Dufour est décédée d’un polytraumatisme. Son décès avait été constaté l’Hôpital Sainte-Croix 1 h 15 après l’accident. 

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