Finalement, Françoise Hamel-Beaudoin livre «son» Serge Lemoyne

Par Gerard Martin
Finalement, Françoise Hamel-Beaudoin livre «son» Serge Lemoyne

Quand on est écrivaine comme Françoise Hamel-Beaudoin

Personne peut-être n’était mieux placé que Françoise Hamel-Beaudoin pour écrire la biographie du regretté peintre Serge Lemoyne, et pourtant, ce n’est qu’après plusieurs tentatives remontant aussi loin qu’au décès du controversé artiste, en 1998, que l’écrivaine de 87 ans a finalement accouché, il y a quelques semaines, de son 18e livre et, du coup, du 6e ouvrage sur la vie d’une personnalité québécoise.

Ayant elle-même connu une première carrière de peintre avant de délaisser les pinceaux pour l’écriture au milieu des années 1980, Mme Hamel-Beaudoin a toujours eu un penchant pour cet artiste sortant de l’ordinaire, même si elle reconnaît volontiers «que son parcours n’a pas été toujours facile à suivre».

Outre la personnalité de ce peintre, Françoise Hamel-Beaudoin avait au moins une autre bonne raison de s’y intéresser.

«Serge est né à Acton Vale, un vendredi 13, à 13h, en 1941. J’étais sa voisine, les maisons de nos parents respectifs se faisaient face de chaque côté de la rue», a-t-elle raconté aux quelques dizaines de personnes réunies à l’occasion du lancement de son livre en prélude à une présentation du Cercle littéraire Les Vieilles Plumes des Terrasses de la Fonderie.

On comprendra donc que dans «Serge Lemoyne Enfant terrible des Beaux-arts québécois (1941-1998)», l’ex-voisine était bien placée pour parler du jeune homme qu’elle a vu grandir pour éventuellement devenir «un phare pour les artistes de sa génération et celle qui l’a suivie».

Elle était aussi bien en mesure d’aborder un aspect qui n’a laissé aucun Valois indifférent, la maison de Serge Lemoyne qu’il avait transformée en œuvre d’art, sans nécessairement faire l’unanimité dans le milieu, laquelle d’ailleurs a éventuellement été détruite par une main criminelle en 2000.

«Partout dans le monde, des artistes ont voulu parler et travailler sur leur maison. La maison de Serge à Acton Vale occupa une grande place dans sa carrière artistique durant les vingt dernières années de sa vie. Ce n’est pas rien! Vu son importance, le sujet valait la peine d’être abordé», estime l’auteure qui y consacre quelques-unes des 88 pages du bouquin.

Mme Hamel-Beaudoin est en mesure de dire que le peintre a eu à lutter pour conserver cette maison, devenue au cours des années, selon ses mots, un «work in progress».

Survol de l’époque

Pour en revenir un peu à ses hésitations à écrire et compléter la biographie de Serge Lemoyne, l’écrivaine drummondvilloise admet que c’est peut-être parce que le travail avait été fait et bien fait auparavant par le peintre Marcel Saint-Pierre dans un ouvrage de 240 pages intitulé «Serge Lemoyne: Inventaires».

De plus, plus tard, entre deux hésitations, elle avait eu l’occasion de prendre connaissance d’un film réalisé en 2005 par quatre jeunes cinéastes d’Acton Vale qui avaient bien su par leur œuvre aborder tous les angles de la personnalité du défunt peintre.

«Je me demandais ce que je pourrais bien écrire de différent pour intéresser le lecteur», a-t-elle confessé.

Ce n’est qu’en 2010, après avoir défroissé ses manuscrits qu’elle avait écartés les uns après les autres depuis 1998, que Françoise a finalement trouvé l’angle, soit celui de faire de cette biographie un survol de l’époque et la photographie d’un homme hors de l’ordinaire.

L’écrivaine y présente donc Lemoyne comme un artiste qui voulait faire évoluer l’art au Québec, qui désirait que l’art s’adresse à tous, qu’il soit compris non pas seulement d’une élite.

Elle le décrit également comme un artiste qui aimait ses confrères créateurs et qui voulait les voir évoluer.

«Pour cela, il fallait que les anciennes façons de faire soient mises de côté, il fallait trouver de nouvelles méthodes de transmission de l’émotion artistique. Serge a exploré plusieurs avenues, toujours à son détriment. Il a donné sa vie à cette cause et il en a payé le prix. Les directeurs de musée se méfiaient de cet artiste avant-gardiste. Et les collectionneurs ne voulaient pas acheter ses œuvres. Vous voyez d’ici le dilemme de Serge. Souvent, il ignorait où il irait dormir le soir et s’il aurait à manger le lendemain. Et surtout s’il pourrait acheter des tubes de couleur. Car une journée sans peindre était impensable pour lui», témoigne l’écrivaine.

Celle-ci constate et déplore que Serge Lemoyne soit demeuré de son vivant un peintre peu connu, et ce, même s’il a eu la chance unique d’une rétrospective de ses œuvres au Musée des Beaux-arts de Québec en 1988 et à une exposition dans une galerie notoire de New York.

«Ceci est étrange puisque l’on a beaucoup écrit sur lui et beaucoup vu à la télévision, à l’occasion d’entrevues où il plaidait la cause d’un art nouveau. Mais c’est à Acton Vale qu’il est célèbre. En se déguisant de diverses façons, il devient un tableau vivant qui se promène dans les rues de la ville, attirant les regards amusés de ses concitoyens», raconte l’écrivaine.

Pour Françoise Hamel-Beaudoin, il ne fait aucun doute cependant que Serge Lemoyne fut un peintre de talent, lequel a su demeurer lui-même en dépit de tous.

«Pour Serge, après le Refus global, ce fut le Refus total. Il ne cessa jamais au moyen des «happenings», «performances» et événements de faire évoluer l’art québécois de son époque», raconte l’écrivaine dans la présentation de son œuvre.

Incidemment, le souvenir de l’artiste valois se fera à nouveau sentir à Québec au cours des prochains jours puisque la Galerie d’art Lacerte, du 1, côte Dinan, présente une grande exposition des œuvres de Serge Lemoyne.

Sa grande affection pour le peintre fait en sorte que Françoise Hamel-Beaudoin fera le voyage à Québec, ce samedi 23 février prochain, pour saluer sa mémoire à sa façon.

En attendant, ceux qui souhaitent se procurer la biographie de Serge Lemoyne (comme tout autre des 17 précédents livres de Mme Hamel-Beaudoin) peuvent la joindre par courriel à hamel.beaudoin@teldrummond.net.

Et comme la santé le lui permet heureusement, notre vaillante écrivaine occupe son temps à préparer rien de moins qu’un dictionnaire illustré des peintres du 19e siècle ayant comme particularité d’avoir eu à composer avec une déficience intellectuelle.

Décidément, elle n’a pas fini de nous impressionner cette madame Françoise…

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