«Sans les enfants, on aurait vendu l’imprimerie» – Line Chamberland

Photo de Jean-Pierre Boisvert
Par Jean-Pierre Boisvert
«Sans les enfants, on aurait vendu l’imprimerie» – Line Chamberland
Line Chamberland et François Chicoine. (Photo : Photo Ghyslain Bergeron)

AFFAIRES. À une époque où la relève familiale est un problème pour plusieurs entreprises, au point où la vente devient une nécessité, il en va tout autrement de la famille Chicoine à Saint-Germain-de-Grantham, qui vient d’investir dans son imprimerie 11 millions $ pour l’achat et l’installation d’une super presse rotative unique au Canada.

Les liens familiaux auront en effet joué un rôle crucial dans cette décision de Line Chamberland et François Chicoine, propriétaires de l’imprimerie FL Web, de se rendre en Australie, l’année dernière, pour faire l’acquisition d’une presse rotative Goss Sunday 3000, une monstrueuse machine de deux étages qui s’allonge sur 185 pieds.

«Sans les enfants, on aurait déjà vendu l’imprimerie Chicoine», laisse tomber Line Chamberland en parlant de Vic, 37 ans, Pegguie, 33 ans, Kirby, 32 ans, Valérie, 29 ans, et Lucien, 28 ans. Preuve s’il en est faut une que les enfants donnent des élans dans la vie.

C’est en juin 2017 que les deux parents, accompagnés de leur gendre Stéphane («on l’a amené avec nous parce qu’il parle l’anglais»), se rendent à Sydney, en Australie, autant dire à l’autre bout du monde, pour voir de leurs yeux cet équipement ultra performant. «C’est une entreprise américaine Graphic Investors, qui, connaissant notre intérêt pour une nouvelle presse, a contacté François pour lui signaler cette opportunité. Neuve, elle coûte 35 millions de dollars. Nous l’avons eue pour beaucoup moins cher. Là-bas, une compagnie a acheté un compétiteur et s’est trouvée dans l’obligation de se débarrasser de cette presse rotative. Nous sommes revenus avec une offre que nous avons étudiée avec les enfants. Un mois après, on procédait à l’achat», de confier la grand-maman de 11 petits-enfants avec un douzième en route.

«C’est arrivé assez vite. En novembre 2016, dans une vidéo qui avait été tournée dans le cadre d’une fête soulignant le 30e anniversaire de l’imprimerie, François et moi avions indiqué que nous n’allions pas acheter une nouvelle presse… »

À contre-courant?

Où trouve-t-on la certitude que l’achat d’une imprimante, aussi intelligente et technologique soit-elle, est une bonne affaire à l’ère du numérique?

À cette question, Line Chamberland soumet ceci : «On n’en a pas fini avec le papier. C’est sûr que, pour l’achat d’une auto par exemple, on va aller sur le net pour préparer un budget et faire un choix de marque et de couleur. Mais, une fois chez le concessionnaire, on veut la brochure officielle… Et en vacances, est-ce que t’apportes ta tablette? Faut choisir le bon angle pour éviter que le soleil frappe l’écran. En plus, est-ce que tu te sens vraiment en vacances avec ta tablette sur le bord de la mer? Mais non, ça prend un bon livre… Non, le papier a sa raison d’être. L’humain a besoin de toucher le papier. Le Publisac n’est pas à la veille de disparaître», avance-t-elle avant de laisser échapper candidement : «Et puis, il y a un peu de gambling là-dedans…»

Au début de leur carrière d’imprimeurs, en 1986, Line Chamberland et François Chicoine ont aussi relevé un pari peu commun. «François, qui était cultivateur, a commencé à imprimer dans une chambre de 12 pieds par 20, à Saint-David. Nous avons réussi tant bien que mal à emprunter 10 000 $ pour une imprimante deux couleurs, ce qui nous donnait un avantage par rapport aux compétiteurs qui avaient une imprimante d’une seule couleur. Les gens tenaient à avoir de plus belles cartes d’affaires. Dans les premiers six mois, on a triplé notre objectif de vente», se souvient celle qui, aujourd’hui à la semi-retraite, consacre 20 heures par semaine aux affaires administratives.

Elle n’oubliera pas non plus la réponse qu’elle avait servie à un futur client qui lui avait demandé combien d’employés il y avait dans l’entreprise. Elle avait répondu : nous sommes deux pour chaque opération… Ce n’était pas un mensonge mais la réalité c’est qu’ils n’étaient que deux pour tout faire! Aujourd’hui, ils sont une soixantaine.

 

Partager cet article