Fortissimo : l’architecte Pierre Thibault met haut la barre

Fortissimo : l’architecte Pierre Thibault met haut la barre
«Un projet comme celui-là m’habite. C’est hors norme. Il s’agit d’un défi extrêmement motivant», dit l’architecte Pierre Thibault à propos du site de la Fortissimo d’une superficie de près d’un million de pieds carrés. (Photo : Photo Ghyslain Bergeron)

DRUMMONDVILLE. Drummondville met haut la barre dans le dossier du site de l’ancienne Fortissimo, ce terrain d’un million de pieds carrés devenu propriété de la Ville il y a près d’un an. C’est d’ailleurs sans réserve que l’architecte Pierre Thibault, reconnu à l’échelle internationale, a accepté de piloter le dossier. «Quand je regarde le site, je n’en reviens pas de voir à quel point il y a du potentiel. Et on ne se limitera pas. On regarde actuellement plein d’exemples dans le monde».

L’architecte Pierre Thibault, qui a accepté l’invitation de L’Express d’aller marcher sur le site de l’ancienne fonderie en compagnie de son collègue Jérôme Lapierre, aussi architecte, d’Alexandre Cusson et de Francis Adam, respectivement maire et directeur général de la Ville de Drummondville, a démontré un enthousiasme palpable devant ce vaste terrain du centre-ville.

«Un projet comme celui-là m’habite. C’est hors norme. Il s’agit d’un défi extrêmement motivant. J’en ai fait plein dans ma vie, mais jamais de cette ampleur-là. Il faut dire que des occasions d’aménagement comme celle-là pour une ville, ça n’arrive pas souvent», exprime M. Thibault.

Le 5 juillet dernier, on se souviendra que la Ville avait organisé une consultation publique sur ce projet d’aménagement. Une vingtaine d’organisations avaient alors soumis des idées, des idées qui ont évidemment été acheminées à l’équipe d’architectes.

«Nous avons pris connaissance de tout cela et on regarde aussi les meilleurs exemples dans le monde qui disposent de terrains proches de l’eau. Pour certains pays, cette rivière serait considérée comme un fleuve, fait-il observer. On regarde des modèles du Danemark, de la Suède, etc. De façon générale, les pays scandinaves ont une longueur d’avance sur nous en termes d’aménagement de quartiers accessibles aux piétons et qui présentent une plus grande densité tout en restant à l’échelle humaine. Et quand on regarde tout ça, c’est là qu’on réalise l’envergure du site qui est devant nous. Et quand on est devant une telle opportunité, on ne veut pas manquer son coup», fait observer Pierre Thibault.

«Nous espérons ce qui se fait de mieux maintenant et pour le futur», résume Alexandre Cusson.

Sur ce cliché, Alexandre Cusson, maire de Drummondville; Francis Adam, directeur général de la Ville de Drummondville; Jérôme Lapierre et Pierre Thibault, architectes. (Photo Ghyslain Bergeron)

Si les idées fusent de toutes parts pour l’instant, il ne faut pas s’attendre à voir les grues sur le chantier à court terme. Plusieurs étapes devront être franchies à commencer par la décontamination du site.

«On espère des réponses du gouvernement d’ici la fin du printemps à ce sujet. Québec a fait récemment quelques annonces en lien avec le programme Climat Sol Plus sur lequel on a appliqué. On s’assure que ce dossier chemine bien», précise M. Cusson.

Le maire ajoute qu’il souhaite qu’une nouvelle consultation publique soit organisée d’ici les douze prochains mois afin de permettre à la population de se prononcer sur le plan global pour qu’ensuite, le conseil municipal puisse l’adopter.

«Pour nous, c’est très important qu’il y ait une adhésion du public, informe l’architecte Pierre Thibault. Quand un quartier de cette ampleur-là réussit, il y a une espèce de halo qui s’étend sur tout le reste de la ville. Ç’a un effet d’entraînement sur tout ce qui est limitrophe. S’il est bien réalisé, ce quartier deviendra un exemple unique au Québec et même au Canada. Drummondville deviendra un exemple», estime Pierre Thibault, en précisant qu’il est néanmoins «important de prendre le temps de bien faire les choses».

Au cours des prochains mois donc, l’équipe de M. Thibault proposera à la Ville des axes de développement et différents scénarios appuyés de maquettes.

Alexandre Cusson et Pierre Thibault. (Photo Ghyslain Bergeron)

«Ce sera très visuel pour que même un non-initié puisse comprendre les pistes que nous allons proposer. Nous disposons d’ailleurs déjà d’une grande maquette de tout le site et des environs. Elle nous sert d’outil de travail. Le projet se réalisera par phases : on va choisir les séquences les plus intéressantes pour permettre à la nature de rentrer dans la ville et aux gens d’avoir accès à des lieux de déambulation. Ce sera un écoquartier, un quartier qui favorisera la vie du piéton», indique M. Thibault qui connaît déjà par cœur plusieurs noms de rues à Drummondville.

Premières idées

Tout en foulant le sol de ce qui deviendra le quartier «signature» de la Ville de Drummondville, les architectes Pierre Thibault et Jérôme Lapierre ont fait part volontiers leurs premières idées et orientations.

«Ce sera un quartier mixte avec plusieurs usages où on pourra habiter, faire ses courses, se divertir, etc. Dans les bonnes pratiques actuellement, on crée des quartiers multifonctions, en hyperébullition. Ce quartier aura un effet contaminant sur tous les autres», estime M. Lapierre.

«On veut de la diversité, ajoute M. Thibault. Il y aura des maisons en rangée, des maisons de deux, trois et quatre étages. On veut aussi des commerces, des restos, des espaces à bureaux et des espaces publics. Ce quartier sera une grande coulée verte, car des îlots de chaleur, on en veut de moins en moins dans les villes.»

Le maire, lui, soutient imaginer un quartier accessible.

«Nous ne sommes pas du tout sur un concept avec des tours de dix ou de douze étages comme on ne voit pas non plus que des condos inaccessibles pour la moyenne des gens. Nous voulons un quartier inclusif pour les gens de tous les âges et de toutes les conditions économiques. Et ce sera important pour nous aussi d’avoir un espace public pour que les gens, été comme hiver, puissent en profiter. Il y aura donc une promenade le long de la rivière».

Par ailleurs, les architectes se sont entendus pour laisser une place importante au patrimoine industriel dans leur créativité. Ainsi, la cheminée de l’ancienne fonderie et possiblement une partie du bâtiment survivront ou, à tout le moins, feront l’objet d’un rappel quelque part.

«C’est important de considérer le patrimoine industriel de Drummondville. Nous voulons un quartier porté sur l’avenir, mais le passé nous nourrit aussi. Cette patine-là ajoute beaucoup à l’âme de la mémoire du lieu», expose l’architecte Jérôme Lapierre, en observant ce qu’il reste de l’ancienne fonderie.

Dès que le projet sera plus avancé, un nom, une identité sera évidemment octroyé au quartier.

«Au début, je voulais qu’on attribue un nom rapidement au quartier, mais on m’a fait comprendre qu’il valait mieux que le projet soit plus avancé, qu’il soit plus évocateur. D’habitude, j’aime quand les choses bougent vite, mais là, on m’a fait comprendre que rien ne pressait», a lancé le maire, en invitant l’auteure de ses lignes à prendre conscience de la profondeur du terrain.

«C’est vraiment grand. On a parfois l’impression que la rivière est tout près, mais il reste encore un bon bout à marcher pour y arriver. C’est aussi assez impressionnant de voir tout ce qu’on peut atteindre dans un rayon de 800 mètres d’ici, soit à dix minutes de marche. Il y a la bibliothèque, le terminus urbain, la gare, l’hôpital, la Société des alcools, des écoles, des commerces, etc. La Ville ne dépense pas en aménageant ce quartier; elle investit pour ses citoyens», plaide-t-il.

À ce sujet, M. Cusson estime qu’à terme, plus de 100 millions de dollars seront investis sur cette terre de près d’un million de pieds carrés. «Ça va générer des taxes qui vont permettre à la Ville de récupérer les sommes qui auront été dépensées pour le développement.»

 

Partager cet article