La main-d’oeuvre, le casse-tête des employeurs

La main-d’oeuvre, le casse-tête des employeurs
(Photo : Deposit)

Les grandes chaînes de restauration rapide du grand Drummond ont beaucoup de difficulté à recruter de la main-d’œuvre fiable… comme plusieurs entreprises.

Sans parler de pénurie de main-d’œuvre, un gestionnaire des McDonalds’s locaux qui a préféré garder l’anonymat estime que la célèbre chaîne de restauration souffre surtout d’un manque de personnel qualifié… et fiable. «C’est quelque chose qu’on vit chaque année. Plusieurs de nos employés sont aux études et modifient leurs disponibilités pour travailler, et nous comprenons ça. Cependant, on dirait que c’est plus difficile cette année. C’est beaucoup plus compliqué de combler les chiffres de soir, de nuit et de fins de semaine. Ça a monté d’un cran.»

Selon lui, les jeunes travailleurs ont tendance à moins prioriser leur emploi dans leur vie. Démissions soudaines, congés improvisés, manque d’assiduité sont des problèmes auxquels les gestionnaires doivent faire face. «C’est quelque chose que je remarque plus depuis les deux ou trois dernières années. Entre les loisirs, la vie personnelle et le travail, on dirait que l’emploi étudiant passe en dernier.» Le gestionnaire local précise également que souvent, entre un cours de conduite, par exemple, et un chiffre, les employés vont avoir tendance à favoriser le cours.

Il précise toutefois qu’il ne faut pas généraliser et qu’il existe des gens fiables parmi cette catégorie d’employés.
«En restauration, ce ne sont pas des emplois toujours faciles. Il y a un bon niveau de stress et beaucoup de pression. Les jeunes ont l’embarras du choix. À salaire égal, entre un emploi dans une boutique et un dans les cuisines d’un restaurant, les gens choisissent davantage le service à la clientèle.»

Si ce sont quelques raisons qui peuvent expliquer ce manque de main-d’œuvre qualifiée, il souligne tout de même que c’est une problématique complexe, qui découle de plusieurs facteurs.
«Au final, c’est la clientèle qui est touchée», déplore-t-il.

Les McDonald’s de Drummondville ont tenu une journée d’embauche massive au début du mois d’octobre, la deuxième de l’année. «On ne fait pas ça d’habitude», avoue le gestionnaire.

Dans les rôtisseries Saint-Hubert

Du côté des rôtisseries, la directrice aux relations publiques de la chaîne de restaurants Josée Vaillancourt n’utiliserait pas non plus le mot pénurie. «Chaque restaurant a ses particularités, mais je dirais que le défi auquel nous devons faire face est que nous devons recruter plus d’employés afin de combler nos heures. Avant, un employé d’âge scolaire pouvait travailler jusqu’à 20 heures. Maintenant, nous devons engager deux ou trois travailleurs pour le même chiffre», explique-t-elle. La directrice précise également que ce n’est pas la première fois que Saint-Hubert organise une journée d’embauche. «Nous le faisons évidemment parce que nous avons des postes à combler, mais aussi pour constituer une banque de curriculums vitae.»

Ce n’est pas une problématique qui date d’hier. En 2015, l’Enquête sectorielle de main-d’œuvre en restauration, menée conjointement par le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) et l’Association des restaurateurs du Québec (ARQ), révélait que 70 % d’entre eux peinaient à recruter du personnel. «Les restaurateurs du Québec vivent, en ce moment, une pénurie de main-d’œuvre sans précédent et ce, particulièrement en cuisine. Il s’agit sans contredit de l’enjeu le plus important auquel les propriétaires d’établissements auront à faire face au cours des années à venir», estime l’Association des restaurateurs du Québec, par voie de communiqué.

Aux employeurs de faire du chemin

D’après la propriétaire du Resto La Muse, Julie Arel, une solution à ce manque de main-d’œuvre vient des employeurs, qui doivent considérer davantage leurs employés.

Elle estime que le salaire est une composante importante de la solution. «Si un restaurateur paie ses employés au salaire minimum, c’est normal qu’il ait de la difficulté à recruter. À mon avis, ça n’a pas de bon sens ! Ici, tout le monde est payé au-dessus du salaire minimum et j’ai toujours plusieurs CV en banque. Je n’ai jamais de problème. Il y a en masse de main-d’œuvre à Drummondville», affirme-t-elle. Julie Arel dit également connaître des restaurants au centre-ville qui ont de a difficulté à recruter.

La propriétaire croit aussi que l’image du métier de cuisinier doit être redorée, et que c’est aux patrons de faire un bout de chemin. «Avec la nouvelle génération [travailleurs âgés entre 16 et 25 ans], il faut travailler différemment. Le travail doit être valorisant pour eux, et il faut créer une équipe qui fonctionne bien ensemble. Ils ont le choix, beaucoup d’endroits recrutent. En tant qu’employeur, il faut être capable de créer une belle ambiance. Il faut s’adapter.» Elle ajoute que, quand les employés sont heureux, ils restent longtemps.

Pas unique à la restauration

La restauration n’est d’ailleurs pas le seul secteur où la main-d’œuvre se ferait rare : dans le domaine manufacturier, notamment, les offres d’emplois pleuvent. Chez le Groupe Soucy, entre autres, c’est un immense enjeu. «J’ai 50 postes disponibles au moment où on se parle, dont 30 qui n’exigent pas d’expérience en usine. Et il y a des postes dont le salaire d’entrée est de 17 $ de l’heure. Présentement, il y a des machines qui sont arrêtées. Pas assez de personnel. C’est très difficile. S’il y a des gens qui veulent travailler, on va les prendre. On ne baissera pas nos critères d’embauches, mais on a des postes ouverts dans plusieurs domaines, soit comme journalier, comme ingénieur ou à la comptabilité. J’ai perdu quatre ingénieurs ces deux derniers mois. Il y a certains de nos amis qui nous volent du monde», avait mentionné à L’Express en août le président et chef de l’exploitation du Groupe Soucy, Éric Côté.

De plus, une nouvelle initiative de la Commission scolaire des Chênes, Mon premier emploi manufacturier, entrera en vigueur dès l’été prochain afin d’inciter les jeunes de 4e et 5e secondaire à s’orienter vers des emplois manufacturiers en leur offrant un travail saisonnier dans certaines entreprises partenaires. «Nous recevons de nombreux appels des entreprises nous disant qu’ils sont en pénurie de main-d’œuvre pour certains métiers. De notre côté, nous n’avons pas assez de gens pour répondre aux besoins. Nous voulons bien en former plus, mais nous n’avons pas plus d’inscriptions», a confié le 21 octobre dernier la directrice des services de formation professionnelle de la Commission scolaire des Chênes, Sophie Tousignant.

Quelques statistiques

D’après le bilan «État du marché du travail» 2016 de l’Institut de la statistique du Québec, le taux d’activité (défini comme le nombre de personnes de 15 ans et plus à l’emploi ou en recherche active) a atteint des sommets inégalés : «chez les 15-64 ans, le taux d’emploi s’établit à 73,3% en 2016, il s’agit également du taux le plus élevé depuis la disponibilité des données en 1976», peut-on lire dans le document, émis en mars 2017. Selon le même bilan, la région du Centre-du-Québec affiche un taux de chômage (5,3%) inférieur à celui du reste du Québec (7,1%). On note également que «seul l’emploi non syndiqué est en croissance en 2016».

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