Des employeurs s’outillent sur la légalisation du cannabis en milieu de travail

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Par Cynthia Martel
Des employeurs s’outillent sur la légalisation du cannabis en milieu de travail
Nicolas Courcy, avocat chez Lavery. (Photo : Gracieuseté)

SENSIBILISATION. La légalisation du cannabis récréatif obligera les employeurs à se doter d’une politique claire pour faire face à cette nouvelle réalité. Des avocats du cabinet Lavery étaient présents mardi au Centrexpo Cogeco pour les outiller et accompagner.

Selon Nicolas Courcy, avocat au sein du bureau de Trois-Rivières, les employeurs, pas plus que les corps policiers d’ailleurs, ne sont pas prêts pour la légalisation de la marijuana récréative.

Plus de 60 personnes représentant environ 35 entreprises ont assisté à ce que Lavery Avocats a nommé le Grand Symposium en droit du travail, lequel est présenté dans plusieurs grandes villes du Québec. L’objectif de cette journée-conférence est de traiter des sujets d’actualité et les récents développements législatifs susceptibles d’avoir une incidence sur les relations du travail. D’ailleurs, le Sénat a adopté le projet de loi, Loi sur le cannabis, la semaine dernière. La loi québécoise encadrant le cannabis a aussi été adoptée mardi, mais sans l’appui du PQ et de la CAQ.

M. Courcy a été désigné, avec un autre collègue, à livrer la conférence qui touchait les points suivants : l’encadrement législatif; l’arrivée du cannabis en milieu de travail (comment les employeurs gèreront-ils cette nouvelle réalité quant aux tests de dépistage et au contrôle de la consommation, notamment); l’élaboration d’une politique et l’accommodement raisonnable.

D’abord, en ce qui a trait à l’encadrement législatif, l’un des éléments importants est la possession, indique M. Courcy.

«En temps normal, une personne aura droit d’avoir 30 grammes dans ses poches dans un lieu public, incluant le milieu de travail, fait-il savoir. Toutefois, la loi provinciale interdit de fumer sur le lieu de travail, tout comme c’est le cas, par exemple, pour la cigarette ou l’alcool. Les employeurs devront faire attention avant de mettre la hache là-dedans et d’interdire la possession de cannabis, car rien ne m’empêche d’aller actuellement sur mon heure de midi à la SAQ acheter deux bouteilles de vin et les ramener au bureau sans en prendre. Il y a des parallèles à faire qui portent à réflexion.»

À son avis, ce n’est pas tant la consommation qui sera problématique, mais bien les personnes qui se présenteront au travail avec les facultés affaiblies.

«De là, découle une autre problématique, soit la détection (…) Les tests aléatoires ne sont pas encore prévus par la Loi et je suis convaincu que si ça l’était, ça serait contesté assez rapidement, car il y a là une question d’atteinte à la vie privée, à l’intégrité. Par contre, en 2013, la Cour Suprême a établi, via l’arrêt Irving, que dans un milieu de travail dangereux, il est possible de faire passer des tests de dépistage d’alcool lorsqu’un employé est impliqué dans un accident ou bien qu’on a des raisons valables de croire qu’il a les facultés affaiblies. Est-ce que ça sera la même chose pour le cannabis? C’est à voir», relate M. Courcy.

Et il y a toute la question de l’accommodement raisonnable.

«Avec la légalisation, ce qui peut arriver, c’est que les médecins vont peut-être être plus enclins à prescrire du cannabis pour traiter certains problèmes, comme l’insomnie, croit l’avocat. Un employeur pourrait alors en consommer lors de ses heures de travail. Il va falloir prouver que le cannabis médical est le dernier recours pour contrer l’ennui de santé, sinon, il sera loisible à l’employeur de contester la prescription. D’autre part, les patrons seront obligés d’accommoder un employé qui souffre d’une dépendance au cannabis, comme c’est le cas présentement avec les autres substances illicites.»

À la lumière de ces éléments, il sera primordial que chaque entreprise se dote d’une politique élaborée et claire.

«On ne fait pas ça sur le bord d’un napperon lors d’un déjeuner! Il faut identifier, entre autres, les postes à risque pour lesquels ce sera tolérance zéro. L’employeur devra se pencher sur la question des tests, à savoir s’il va en passer ou pas, et devra aussi dresser une liste des symptômes que peut entraîner la consommation de cannabis, et ce, en se basant sur des articles scientifiques, par exemple. La politique demeure une pierre d’assise et un point central de la façon dont les employeurs vont aborder la situation», précise M. Courcy.

«Il s’agit d’un beau casse-tête pour les employeurs, mais les réflexes avec l’alcool sont là, la politique avec l’alcool existe aussi. Il s’agit juste de faire un pas de plus et bien se préparer et c’est dans ce contexte qu’on est là», laisse-t-il tomber, affirmant qu’il reste encore beaucoup de prévention à faire.

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