À l’école du Maître

À l’école du Maître
(Photo : Depositphotos)

La lettre de monsieur Ugo Martin, enseignant à la Commission scolaire des Chênes, trace un portrait plutôt caricatural de la réalité de nos écoles en 2016.

Sur l’enjeu de la réussite, on se permettra, par exemple, des raccourcis ou abus afin d’y arriver : on tolérera une diminution des standards jusqu’à l’actuelle norme de soixante pour cent (60%), on multipliera les ressources,  etc.

Il est utile de se rappeler qu’avec un tel standard, quarante pour cent (40%) des notions ne sont pas maitrisées. À l’école du nivellement  (article du 2 novembre), sous-entendu nivellement vers le haut, le but visé est rien moins que l’Excellence. Découlant d’inspirantes initiatives, les solutions recommandées sont originales et motivantes, mais malgré l’usage des mêmes recettes depuis nombre d’année les résultats semblent avoir atteint de décevantes limites.

Il appert plus utile d’analyser cette problématique sous un autre angle, en considérant les sujets de l’heure en la matière : décrochage scolaire, enquête récente du Ministère de l’Enseignement et de l’Éducation supérieure, découragement, voire  démission de jeunes enseignants après quelques années d’expérience, carence de valorisation du métier d’enseignant comme de celle en général de l’organisation systémique autour de la classe (commission scolaire, commissaires, direction d’école, parents, etc.)

La quarantaine d’année d’expérience à la Commission scolaire, enrichie de méta-analyses en éducation, confirme l’évidence que la personne la plus importante pour l’enfant est son PROFESSEUR dont l’empathie est garante de son succès tant pédagogique que comportemental.

«Il est prouvé que cette interaction (empathie) entre l’enseignant et l’élève influe davantage les résultats scolaires que les outils pédagogiques ou la taille de la classe.» (Université de la Finlande de l’Est)

À l’instar des membres d’ordres établis, avocats, comptables, psychologues et orthopédagogues, l’enseignant, attaché dorénavant à un ordre professionnel, aura l’honneur de porter le titre de Maître, titre cependant qui confère des  responsabilités qu’il ne faudra pas sous-estimer. Contrairement à l’état actuel des choses où la scolarité et l’ancienneté priment, le maître sera apprécié sur sa capacité à développer de l’empathie et de la bienveillance avec ses élèves. Ce titre, porté au mérite et donc flottant, est sujet à une évaluation périodique entre autres par les principaux intéressés, soient les élèves, les parents et les collègues, évaluation pouvant mener à une majoration salariale le cas échéant. Il y a fort à parier que cette approche innovante contribuerait à une augmentation de dix à quinze pour cent du taux de réussite.

Cette augmentation sera le fruit d’une revalorisation du Maître, pivot de cette réussite, dont la relation privilégiée avec l’élève qu’il influencera pour le mieux durant son parcours scolaire mérite la reconnaissance de la collectivité.

Nul besoin d’être visionnaire, l’anecdote qui suit,  brille par une évidence apte à clore cette réflexion d’émouvante manière. À la question d’un sondage tenu auprès de décrocheurs d’un quartier pauvre de grande ville souffrant d’un taux de décrochage de plus de 50% chez les moins de seize ans, à savoir leur meilleur souvenir de l’école, plus de la moitié nommèrent la même professeure. Mais encore? Pour la simple et naturelle  raison qu’elle les aimait.

Les outils pédagogiques mis à la disposition du système scolaire ne sauraient parvenir à leur capacité maximale  de résultats si le Maître, artisan premier de l’architecture et passionné par son rôle,  n’est pas reconnu ou respecté à sa pleine mesure.

Mychel Poirier, 38 ans d’expérience à la Commission scolaire des Chênes

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