Des questionnements autour de la construction de la mini-centrale

Des questionnements autour de la construction de la mini-centrale

Photo prise lors de la construction de la mini-centrale hydroélectrique de Sainte-Brigitte-des-Saults.(Photo d'archives)

Pour mieux comprendre la nature de la demande de suspension du certificat d’autorisation faite par notre organisme, voilà quelques explications supplémentaires à l’article publié dans L’Express sous le titre: «La Fondation Rivières réclame du ministre Heurtel des clarifications».

Il faut d’abord savoir que la centrale hydroélectrique de Sainte-Brigitte-des-Saults a été construite en toute illégalité, puisque les promoteurs initiaux ont habilement contourné certains articles de la Loi sur la Qualité de l’Environnement (LQE), de façon à pouvoir se soustraire du processus d’évaluation environnementale.

Algonquin Power donc opère un barrage illégal, mais le MDDELCC se garde bien maintenant de le rappeler.

Il est important de savoir qu’à l’origine du programme de petites centrales privées, au début des années 1990, il n’existait au sein du ministère de l’Environnement et de la Faune (MEF) aucun outil administratif visant à déterminer le débit réservé (minimal) pour ces centrales.

On ne voyait d’ailleurs pas la nécessité à développer de tels outils. Ce n’est que par la suite qu’un Cadre d’analyse a déterminé une norme (Q 2/7) de débit minimal.

Dans son mémoire présenté à la Commission Doyon, le Procureur général écrit noir sur blanc que «la preuve révèle que, règle générale, les autorisations (ont été) délivrées sur la base des renseignements, des rapports et des plans et devis fournis au MEF par le promoteur».

À ce sujet, il est extrêmement grave de constater que la principale recommandation contenue dans le document présenté au MEF, en juin 1992, par ADS Environnement Groupe-Conseil inc., au nom du promoteur Hydro P-1 afin d’obtenir le certificat d’autorisation, ne mentionne aucun débit minimal, mais plutôt une «fine lame d’eau» qui devait servir à «nettoyer» la rive gauche de la rivière susceptible de recevoir les eaux de lixiviation issues des installations septiques des résidence situées sur le plateau et «d’améliorer le panorama offert aux riverains» (sic).

Le débit minimal inscrit dans le certificat accordé à Algonquin Power est le même que le débit minimal inscrit dans le certificat accordé au départ à la compagnie Hydro P-1 inc., qui a fait faillite.

Cette faillite, couplée à une régionalisation des opérations du MEF et la difficulté, par la suite, d’identifier un interlocuteur valable, ont rendu plus complexe le traitement du dossier.

C’est peut-être aussi ce qui explique pourquoi la question du débit minimal et celle de la voie migratoire n’ont jamais été revues lors de la cession de propriété à Algonquin.

Or, il était fort possible de le faire à ce moment-là.

D’ailleurs, entre 1992 et 1995, le MEF a autorisé plusieurs promoteurs privés à assécher des portions importantes de cours d’eau en imposant des exigences de débit minimal en deçà des besoins qu’il reconnaît aujourd’hui à la faune aquatique.

Les promoteurs qui ont construit le barrage de Sainte-Brigitte-des-Saults font partie de ceux-là.

Finalement, puisque l’article en fait peu mention, j’aimerais citer la recommandation 73 du rapport de la Commission Doyon, on ne peut plus explicite sur la possibilité d’agir du ministre:

«Que le Ministère prévoie, dans les certificats d’autorisation, la possibilité de réviser l’exigence de débit réservé s’il s’avère insuffisant pour protéger adéquatement la faune ou pour assurer le respect de l’apparence des lieux (…)».

Le ministre n’a donc maintenant aucune excuse. Il doit donner suite à la demande de la Fondation Rivières.

Aura-t-il le courage de le faire ? La balle est dans son camp.»

Pierre Leclerc, agent de recherche et de communication à la Fondation Rivières

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