Gerry pour la vie!

Par Maxime Rioux
Gerry pour la vie!

La sortie du film «Gerry», qui a récemment pris d’assaut les grands écrans du Québec, fait remonter plusieurs souvenirs à la surface. Pour la plupart des spectateurs, voir ce long-métrage s’avère un agréable retour en arrière permettant peut-être de mieux saisir l’homme qu’a été Gérald «Gerry» Boulet et de profiter du moment pour réentendre des extraits des grands succès d’Offenbach. Pour d’autres, c’est le cas pour le Drummondvillois Serge Paquin, l’exercice revêt un aspect plus personnel.

Durant son adolescence, Serge Paquin fréquentait le Roulodium, tous les dimanches, avec un ami.

«On faisait du patin à roulettes sur la musique disco qui était populaire à cette époque (1980-1981). J’écoutais aussi des succès rétro et des chansons des années 1940. J’ai toujours été très diversifié dans mes goûts musicaux, encore aujourd’hui», relate-t-il.

Le soir du 30 août 1981, les groupes de la tournée «Québec Rock» faisaient une bruyante escale au Centre civique de Drummondville.

«Mon ami et moi flânions autour des remorques, car je n’avais pas les moyens de m’offrir un billet de spectacle (au coût de 10,50 $ à l’époque), se remémore Serge Paquin. À cette époque, ma sœur m’avait donné son disque d’Offenbach, «Traversion», car elle n’écoutait plus ce genre de musique. Par la suite, je m’étais procuré d’autres microsillons d’Offenbach, comme «Coup de foudre», «Never Too Tender», «En fusion» et Offenbach (caricatures)».

Au mois d’août de la même année, Serge Paquin s’est procuré la revue «Québec Rock» dans laquelle se trouvait un reportage sur les dix ans d’existence de son groupe préféré assorti de photos et de la discographie complète.

«C’est à ce moment que le gros déclenchement s’est fait», estime Serge Paquin qui, dès lors, n’a plus cessé de suivre ses idoles. Je me suis procuré les disques que je n’avais pas encore, comme «Soap Opera» et «Bulldozer».

Enfin arriva le 17 juillet 1982, journée où ce jeune passionné d’Offenbach a pu voir ses idoles sur scène pour la toute première fois.

«C’était un «show» en plein air à Danville. J’avais payé mon billet 10 $ et j’étais juste en face du «stage» avec mon petit appareil-photo «110» et deux de mes amis. Si cela s’était passé aujourd’hui, j’aurais aimé avoir un appareil numérique, mais je suis quand même content d’avoir pu prendre des photos de ces moments-là. Même si le «flash» ne fonctionnait pas toujours!», raconte en riant Serge Paquin.

De ces années, ce dernier garde des souvenirs impérissables.

«En regardant à travers une clôture, durant l’entracte du «show» de Danville, je me souviens d’avoir vu deux «groupies» faire autographier les membres du groupe sur leurs fesses. Il y avait toujours des filles pas trop loin. Après le «show», on est allé rencontrer Johnny Gravel (membre fondateur d’Offenbach et guitariste) et Pat Martel (qui était alors le nouveau batteur de la formation). On a parlé environ une heure avec eux. Un des organisateurs de l’événement est arrivé avec une 24 de Labatt Bleue en nous disant «Servez-vous». C’est ce qu’on a fait!»

Durant cette rencontre, Serge Paquin se souvient avoir échangé avec Johnny Gravel à propos du spectacle de l’Oratoire (en 1972) puis de la tournée en France, durant laquelle le film «Tabarnac» a été tourné.

«C’était une belle soirée chaude d’été, se remémore avec un sourire le Drummondvillois. Ce soir-là, j’ai aussi fait autographier mon microsillon «Traversion» et le feuillet d’informations en lien avec le spectacle. Plus tard, Gerry et Breen (Leboeuf) sont venus nous retrouver : ils venaient de régler les recettes du «show». Breen avait un verre de champagne à la main, car il fêtait son 33e anniversaire ce soir-là. Je me suis fait photographier avec Gerry, c’était la première photo avec mon idole. Puis les gars sont partis dans un «Station-Wagon» brun et beige qu’ils avaient baptisé le «Offen-Bazou». Ce soir-là, j’ai su que j’étais devenu un grand passionné d’Offenbach.»

Quelques jours plus tard, Serge Paquin s’est fait percer les deux oreilles et a commencé à porter des pierres de couleur diamant en hommage à son idole : Gerry Boulet. Il les porte toujours aujourd’hui.

Au cours des années suivantes, Serge Paquin a eu l’occasion de rencontrer à nouveau ses idoles et de les voir en concert, notamment lors de la tournée «Offenbach-Plume, À fond d’train», au Forum de Montréal, le 17 septembre 1983.

Une troisième rencontre, au Colisée des Bois-Francs de Victoriaville cette fois, a donné lieu à la plus longue rencontre entre le fan et les musiciens rock.

«Nous avions jasé ensemble une bonne heure, indique Serge Paquin. Comme d’habitude, il y avait une loge avec plusieurs filles à l’intérieur. On a attendu que les gars en sortent. Cette fois-là, j’étais en compagnie d’un autre Drummondvillois, Richard Saint-Sauveur, qui était alors âgé de 63 ans. Je me souviens que Gerry disait qu’il était étonné de voir son plus vieux «fan»! Il l’appelait «l’père». Ce sont de beaux souvenirs. Le plus drôle, c’est que je croise encore Richard de temps en temps et on en reparle chaque fois. Il est maintenant âgé de 90 ans, mais il s’en souvient très bien!»

Expérience surréaliste lors du «show» d’adieu

Le 1er novembre 1985, Offenbach donnait son dernier spectacle dans un Forum de Montréal plein à craquer et où l’ambiance était surchauffée. Serge Paquin était évidemment présent avec quelques amis. Avant de se rendre dans la vaste résidence des Canadiens de Montréal, le Drummondvillois a utilisé de la gouache rouge pour écrire le mot «Merci!» sur une longue banderole de papier. À chaque bout, il avait fixé de petits bâtons pour pouvoir soulever bien haut son message.

Arrivé au Forum, le jeune Drummondvillois prend place dans la sixième rangée. Tout au long de ce légendaire concert qui a duré presque trois heures, il sera tout près de ses idoles.

À un certain moment, plus précisément après qu’Offenbach eut fini de jouer la pièce « Faut que j’me pousse», Serge Paquin et ses amis ont levé bien haut la banderole face à Gerry. Au même moment, comme dans un film, une ovation monstre a eu lieu, faisant vociférer à Gerry l’un de ses légendaires «Marci!» à l’intention des milliers d’admirateurs massés devant lui.

Après le concert, M. Paquin et quelques amis ont attendu que sortent Gerry et ses compagnons du Forum. Lorsque le populaire homme chevelu s’est pointé le nez dehors, Serge Paquin l’a immédiatement approché.

«Je lui ai dit «Hey Gerry! Peux-tu me signer quelques autographes et prendre quelques photos?» Je lui ai ensuite montré ma pancarte en lui disant que c’était nous autres qui étions assis à l’avant. Gerry m’a dit : «J’ai pas beaucoup d’temps, chu suis pressé». Là, il a sorti quelque chose de sa poche et me l’a tendu. C’était une carte d’invitation pour le «party» d’après-spectacle qui avait lieu au bar Belmont, sur Saint-Laurent. J’ai passé le «kodak» à mon ami Daniel, il nous a photographié rapidement, Gerry et moi.»

Si Serge Paquin était heureux d’avoir reçu une passe «VIP», il se demandait comment lui et ses amis (ils étaient 7 au total) allaient bien pouvoir tous entrer.

«On est arrivés au Belmont en même temps que John Mcgale (guitariste) et Pat Martel (batteur). Ils étaient avec leur blonde. Je suis allé leur montrer ma passe et j’ai désigné mes six copains. John et Pat m’ont regardé et ont ensuite dit au portier «Y sont avec nous autres!» Alors, on est tous entré dans le bar. À l’intérieur, il y avait entre autres des membres de Garolou, des journalistes, Bob Harrisson (un ex-batteur d’Offenbach devenu chanteur de blues)», raconte le Drummondvillois.

Le moment magique, probablement le plus mémorable, est survenu un peu plus tard durant cette soirée.

«J’ai parlé avec Gerry au Belmont. Il était assis et il avait l’air nostalgique. Je lui ai demandé combien de 45 tours Les Gants blancs (le premier «vrai» groupe de Gerry) avaient enregistré. Il m’a répondu environ sept ou huit. Il m’a aussi dit qu’il y avait dans le lot une interprétation des Turtles (un groupe de musique californien particulièrement populaire durant les années 1960), puis d’autres des Who et de Freddie And The Dreamers. Gerry m’a dit que leur premier 45 tours était une version de «Don’t Play That Song», de Ben E. King», se rappelle avec émotion Serge Paquin.

«On est sorti du bar vers 3 h 30. Je trouvais dommage qu’il ne me reste plus de film dans mon «kodak». Puis en m’en allant vers le pont Jacques-Cartier, je me souviens avoir vu un camelot au coin de Sainte-Catherine et De Lorimier. Il vendait le Journal de Montréal dont le titre était «14 000 fans au show d’adieu d’Offenbach au forum». Je l’ai acheté. De retour à Drummondville, épuisé, nostalgique, je vivais un deuil malgré tout. Cette semaine-là, j’ai conservé tous les articles de journaux qui ont été publiés durant cette semaine-là.»

Ajoutons que ce n’était pas les premiers articles que conservait Serge Paquin. Depuis qu’il a commencé à suivre Offenbach, il n’a jamais cessé d’accumuler tout ce qui touche à la formation québécoise.

Des pièces de collection, le Drummondvillois en a des tonnes. Des histoires passionnantes en lien avec ses idoles, il en cumule des dizaines. Comme celle où Johnny Gravel a passé deux heures dans son appartement, sur la rue Brouillard, alors qu’il marquait une pause à Drummondville pour couper la route Montréal-Québec.

Bref, Gerry Boulet est bel et bien décédé le 17 juillet 1990, soit huit ans jour pour jour après la première rencontre entre Serge Paquin et Gérald «Gerry» Boulet. Cependant, pour le Drummondvillois, les beaux souvenirs permettront de garder longtemps vivant celui qui chantait «comme un coyote».

«Je vais toujours me rappeler du jour où Gerry est mort. Je m’en allais à Montréal et il faisait particulièrement chaud. Ça me faisait quelque chose de perdre mon idole alors qu’il n’avait que 44 ans. Aujourd’hui, j’en ai moi-même 45. J’ai dépassé l’âge de Gerry», analyse-t-il.

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