Les commerçants prennent la parole

Les commerçants prennent la parole

Ça pourrait être beaucoup mieux, mais ce n’est pas mort… Le nouveau maire a l’air de vouloir s’en occuper, c’est prometteur… Il y a bien des personnes âgées, mais où sont les jeunes ?… Le stationnement est un irritant… Le centre-ville restera en vie si on le stimule.

Voilà quelques-unes des principales réflexions que font entendre les gens d’affaires qui ont pignon sur rue dans le secteur du centre-ville, un sujet qui ne laisse personne indifférent, même si certains d’entre eux n’ont pas accepté, sinon de manière anonyme, de participer au «vox pop» du journal L’Express.

De façon générale, il n’est pas long que l’effet Costco entre en ligne de compte dans toutes les conversations touchant la situation actuelle du centre-ville, et, par conséquent de son devenir, mais on pourrait dire que le problème du stationnement est tout aussi un irritant, surtout dans ce qu’on appelle «le bas de la ville».

Frédéric Grenier, de Grenier Chaussures (287 Lindsay), est bien placé pour en parler, deux ans et demi après avoir déménagé son magasin de la rue Heriot à la rue Lindsay. «Ce n’est pas vrai que le centre-ville est mort. On voit toutefois poindre une tendance qui prendra de l’ampleur à mon avis, soit celle où les bars, cafés, bistros et restaurants prendront plus de place sur la rue Heriot alors que les boutiques et commerces vont préférer la rue Lindsay. Pour ma part, j’ai eu une opportunité d’avoir un local plus grand, permettant une meilleure exposition de mes produits et de profiter à l’arrière d’un stationnement gratuit. Ça, c’est un avantage, car il n’est vraiment pas facile de stationner sur la rue Heriot. Résultat, mon chiffre d’affaires a grimpé de 30 %».

Heriot la piétonnière

M. Grenier estime que l’arrivée prochaine des universitaires (automne 2015) et un développement judicieux du parc Woodyatt joueront en faveur de la rue Heriot, laquelle aurait avantage à devenir piétonnière durant l’été. «Ce serait une bonne idée de fermer la rue Heriot durant les mois de juillet et août», lance-t-il. On sent dans les propos des commerçants du centre-ville une légère frustration d’avoir été «oubliés» dans les efforts qu’a déployés Commerce Drummond pour attirer Costco chez nous, non toutefois sans reconnaître que Drummondville ne fait pas exception. Marc Gaucher, de l’OB’CD du disque (267 Lindsay), est de ceux-là. «La Ville a travaillé fort pour le développement commercial le long de la 20. Mais, toutes les villes font ça. Ce n’est pas exceptionnel. Pour un Costco qui ouvre, il y a bien sûr une quarantaine d’emplois qui sont créés, mais on ne parle pas des 40 autres qui seront perdus ailleurs à moyen terme. Lorsque le Costco a ouvert, j’ai senti que les consommateurs qui avaient déboursé 70 $ pour acheter leur carte de membre étaient disparus du portrait pendant quelques semaines. Après, ça s’est replacé. J’ai connu une très bonne année 2013. Moi, je suis dans l’usagé et je vois bien que les gens, en période de récession, font plus attention avant de faire une dépense et ils vont venir ici pour vérifier s’ils peuvent trouver à moins cher ce qu’ils cherchent. Dans l’ensemble, je dirais que oui ça pourrait être mieux, mais non le centre-ville n’est pas mort». Aux yeux de Michel Leclair, co-propriétaire du Pub le St-Georges (en face du parc Saint-Frédéric), il ne fait pas de doute que tout est en baisse. «La réalité c’est qu’il y a beaucoup de personnes âgées dans le centre-ville, qu’il y a moins de jeunes, sans doute parce qu’il n’y a plus de discothèques, et qu’il faut avoir les reins drôlement solides pour se partir en affaires et durer. Je le vois quand je fais mes commandes, elles sont en baisse. Il n’y a pas si longtemps, on pouvait faire du lèche-vitrine sur la rue Heriot, maintenant il n’y a plus rien à lécher», d’ironiser celui qui est en affaire depuis 22 ans.

Panneaux publicitaires électroniques

Pour autant, Michel Leclair ne voit pas tout négativement. Il n’est pas le seul à considérer avantageusement la fermeture de la rue Heriot. «Ça inviterait les gens à marcher, à prendre leur temps, à s’arrêter ici et là. Et on devrait en profiter pour aménager un stationnement étagé, il y a de la place en arrière ici. Il est certain qu’il faudra ajouter du stationnement quelque part de toutes façons».

Toujours prêt à laisser des musiciens s’installer dans un coin de son bistro et de les rémunérer selon un certain pourcentage des recettes de la soirée, le tenancier est d’avis que les activités et les spectacles qui ont lieu dans le centre-ville ne sont pas publicisés. Il propose par exemple l’installation de panneaux publicitaires électroniques pour faire connaître les événements qui se dérouleront dans les prochains jours.

Bien reçue par ailleurs l’idée du maire Alexandre Cusson de former une commission consultative sur le centre-ville. Certains y voient un signe encourageant.

Voici d’autres commentaires que nous avons recueillis:

Sylvie Roy, O p’ti monde

«C’est vrai que le centre-ville est mort. J’avais moi-même décidé de fermer ma boutique, que j’avais pourtant modernisée l’an dernier. Or, mes fidèles clientes m’ont convaincue de continuer. J’ai dû mettre à pied du personnel. J’ai modifié les heures d’ouverture, mais je reste donc ouverte jusqu’à l’été. S’il n’y a pas d’améliorations, je verrai par la suite la décision à prendre. Je fête les 30 ans de la boutique cette année. Ça aurait été malheureux que ça se termine là. Une cliente m’a suggéré de lancer une pétition demandant la gratuité du grand espace de stationnement derrière nos commerces de la rue Heriot. J’y réfléchis. L’implantation de Choco Daisy a été positive. Ça nous amène de nouveaux clients».

Daniel Paulin, Bistro La Muse

«Pour certaines petites boutiques, oui, le centre-ville est mort. Pour notre part, ça va très bien. Nous avons triplé le chiffre d’affaires depuis que nous avons acquis le commerce il y a un an. Notre mois de janvier est aussi bon que celui de juin. Concernant le centre-ville, des améliorations pourraient être apportées. Les trottoirs pourraient être plus larges. Des rues pourraient devenir des sens uniques. Il faudrait ajouter des espaces de stationnement. C’est sûr que la manière dont le centre-ville est conçu, sur trois rues parallèles, est particulière. Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait plusieurs activités qui étaient organisées, dont personne n’était au courant. Il manque d’information. Ce serait intéressant que le parc Woodyatt compte une scène permanente.

Caroline Leduc, L’Odika

«Je rêve d’un centre-ville remplis de commerces. Je crois que les commerçants pourraient davantage s’entraider. Actuellement, nous avons une entente avec la boutique Mlle Ann pour des échanges de promotion, mais c’est le type de collaboration devrait être plus fréquent, plus généralisé. Je suis contente quand d’autres restaurateurs s’implantent au centre-ville. Plus nous serons nombreux, plus les gens auront le réflexe de se diriger dans le coin pour bien manger. Selon moi, le succès du centre-ville est une responsabilité partagée. Il dépend du commerçant, du consommateur et de la ville. Les stationnements payants et la rigidité administrative de la Ville (pour l’obtention de permis et les restrictions sur l’affichage) sont des irritants inutiles. Il faudrait que ça devienne plus accrocheur d’acheter local et de magasiner au centre-ville, que les clients changent leur mentalité».

Jean Beaulac, Boutique Marie-Soleil

«Je ne suis pas d’accord que le centre-ville est mort. La réussite d’un commerce n’est pas une question d’endroit. C’est une question de gestion. Aquarium Drummond, Janco électrique, Boutique du danseur, Setlakwe sont des commerces implantés depuis très longtemps au centre-ville et qui fonctionnent encore très bien. Marie-Soleil existe depuis 34 ans et des clientes d’ici et de l’extérieur de Drummondville y viennent encore chaque jour. C’est normal qu’il puisse y avoir des ralentissements, mais chaque commerce fait son propre succès. Des mots d’ordre s’imposent quand on gère un commerce au détail. Il importe d’offrir le bon produit (celui que les clientes désirent) au bon moment, tout en respectant un rapport qualité/prix intéressant. Il faut être compétent dans son domaine et être à l’écoute de la clientèle, en plus d’offrir un bon service après-vente. Les associations pour dynamiser la vie commerciale peuvent être un atout, mais ce n’est pas toujours facile de trouver des personnes pour s’en occuper. Être commerçant est très accaparent».

Suzanne Rajotte, Resto Bistro L’Entracte

«Le centre-ville restera en vie si on le stimule. C’est à chacun d’y voir. Du développement, de la compétition, des Costco, il y en aura toujours, surtout dans une ville en croissance comme Drummondville. Quand une nouvelle grande surface arrive, ça donne un boom et puis après ça se résorbe. C’est là qu’il faut savoir se renouveler, fidéliser sa clientèle et aussi ses employés, quitte à demander de l’aide de professionnels de la mise en marché s’il le faut. Ça prend de l’énergie bien sûr, autant de ne la perdre dans le négativisme. Le succès, ça part de l’intérieur de ton commerce. Il ne faut jamais baisser les bras et même aller au-devant des améliorations qui deviendront nécessaires ou jour ou l’autre. Moi, ça me stimule de voir s’implanter un compétiteur et je ne compte pas sur l’extérieur pour réagir», affirme celle dont l’établissement célèbre ses 20 ans en 2014.

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