Trois fillettes et un alpaga

Trois fillettes et un alpaga
Le réalisateur Hervé Demers

Le récit d’une profonde amitié qui lie une petite fille à un alpaga, dont les jours sont comptés, est l’approche dramatique qu’a saisie le réalisateur Hervé Demers pour brosser un portrait de la vie rurale contemporaine dans son film «Les adieux de la grise», un court métrage tourné à Saint-Bonaventure.

Depuis bientôt une semaine, l’équipe de tournage d’une demi-douzaine de personnes a envahi la ferme Bel Alpaga, située sur le Rang 2, à Saint-Bonaventure, au grand plaisir de ses propriétaires Claude Petit et Mélanie Boucher, qui ont tout fait pour rendre facile et agréable le séjour de ces artistes du septième art venus de Montréal.

Après avoir complété l’été dernier le processus de repérage en visitant une dizaine de fermes au Centre-du-Québec, Hervé Demers est resté accroché à la propriété ancestrale de Claude et Mélanie, un peu beaucoup à cause de leurs trois filles, Noémy, 12 ans, Élody, 10 ans, et Rosaly, 6 ans, qui sont devenues actrices, dont la plus vieille qui tient le rôle principal.

«L’accueil ici a été formidable, le décor est superbe, la maison est grande et permet le tournage à l’intérieur et, surtout, nous sommes tombés sous le charme des trois fillettes», a expliqué à L’Express le jeune réalisateur de 29 ans. «J’ai vu les possibilités de travailler avec elles car nous cherchions justement des petites filles pour être comédiennes. Voyant cela, nous avons modifié le scénario en conséquence. L’idée demeure que Noémy, l’actrice principale, transmet ses émotions à travers un deuil, celui de «la grise», son alpaga préféré. L’alpaga est un animal qui vient des Andes et qui vit bien ici. L’histoire est librement inspirée d’un texte de Lionel Groulx datant de 1916 dont l’animal était alors un cheval», a révélé Hervé Demers qui a fait ses premières armes dans le domaine du cinéma en réalisant «Sur la terre comme au ciel» (2007) et «Le Grand Sault» (2009), deux films primés dans les festivals internationaux.

C’est la première fois qu’il travaille avec des enfants. «Il faut faire preuve de patience c’est certain. Mais ça vaut la peine parce que c’est un excellent moyen pour traiter de ce sujet qui est la vie rurale dans le Québec d’aujourd’hui». Pour lui comme pour tous les autres jeunes réalisateurs, le court métrage peut conduire à des festivals et à des prix qui, à leur tour, peuvent mener à du financement plus important. Hervé Demers est l’un des 27 membres de la compagnie Les Films de l’Autre, dont la mission est de «favoriser la recherche formelle et la liberté de création en cinéma et vidéo indépendants». Ses cinéastes agissent à la fois comme producteur et réalisateur.

Se dressant dans un espace champêtre et bien aménagé, la ferme Bel Alpaga se distingue non seulement par ses quelque 50 alpagas et une dizaine d’autruches, mais aussi par sa mini-ferme, comprenant lapins, poules et pans, et sa boutique qui offre des vêtements tricotés avec de la laine d’alpaga.

«Contrairement à l’autruche que nous élevons pour la qualité de sa viande, l’alpaga est en mesure de fournir une laine beaucoup plus chaude que celle du mouton, précise Claude Petit. La fibre dans la laine de mouton est pleine alors que celle de l’alpaga est vide et peut donc mieux conserver la chaleur. Moi je fournis la laine de l’alpaga à des femmes qui fabriquent des vêtements comme des chandails, des tuques, des manteaux, tout ce qui se tricote finalement. C’est plus cher mais c’est plus chaud». Une paire de bas se détaille à une trentaine de dollars.

Si l’autruche est une bête qui peut être agressive, ce n’est pas le cas d’un alpaga. «C’est un animal doux, silencieux, en fait c’est un gros toutou. Les enfants adorent cet animal», indique le proprio des lieux, qui ne manquera pas de souligner que sa boutique est maintenant en ligne sur Internet.

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