Cinq fois plus d’électrochocs en psychiatrie dans le Centre-du-Québec

Cinq fois plus d’électrochocs en psychiatrie dans le Centre-du-Québec
L’objectif principal d’une démarche d’Agrément est d’évaluer la qualité des soins, le rendement et l’efficacité de l’établissement selon des normes d’excellence reconnues internationalement. (Photo : Depositphotos)

SANTÉ MENTALE. Le recours aux électrochocs en psychiatrie est presque cinq fois plus fréquent dans la région du Centre-du-Québec que dans la moyenne des régions sociosanitaires québécoises, et ce, pour une deuxième année consécutive.

De fait, selon des chiffres de la Régie de l’assurance-maladie du Québec, l’Hôpital Sainte-Croix de Drummondville et l’Hôtel-Dieu d’Arthabaska de Victoriaville ont réalisé 1249 séances d’électrochocs en 2015. Cela représente 5.2 électrochocs par 1000 habitants, tandis que la moyenne québécoise est de 1.37 par 1000 habitants. Ces données étaient similaires en 2014 avec 1232 séances alors qu’en 2011, on en dénombrait 480, soit un ratio de 2.0 par 1000 habitants.

Guillaume Cliche, agent d’information au CIUSSS Mauricie-Centre-du-Québec, indique que cette augmentation est «normale» pour différentes raisons.

«Les psychiatres notent des résultats probants à la suite de ces traitements. La condition des personnes s’améliore grandement et en plus, c’est une intervention assez rapide, on parle de quelques secondes. D’autre part, beaucoup de régions n’offrent pas ce service, donc certaines personnes viennent ici pour le recevoir. Cela influence donc le ratio», explique-t-il, soulignant que ce traitement s’effectuant sous anesthésie générale est sécuritaire et qu’il respecte la volonté du patient.

La thérapie par électrochocs ou l’électroconvulsivothérapie (ECT) est utilisée en dernier recours, le plus souvent pour les cas de dépressions sévères récurrentes, mais également pour la schizophrénie et la manie bipolaire.

«C’est du cas par cas. Tout dépend de la condition du patient et elle n’est pas la première solution», précise M. Cliche.

Thérapie controversée

Si M. Cliche assure de son côté que les électrochocs sont efficaces et sécuritaires, il en est tout autrement pour Ghislain Goulet, porte-parole du comité Pare-Chocs.

«Cette augmentation est très inquiétante. L’électrochoc est un traitement controversé et dangereux qui peut amener des complications graves sur la mémoire, fragiliser le système cardiovasculaire ou pire encore, entraîner la mort. Des études démontrent aussi que ça amène les gens à s’isoler à moyen terme. De plus, non seulement les effets ne durent que quatre semaines, mais le taux de rechute est incroyable. Bien souvent, l’état du patient ne s’est pas amélioré et même, il a empiré», commente-t-il.

«La seule façon qu’on a trouvé pour que ça soit efficace, c’est d’utiliser la "méthode de l’entretien", c’est-à-dire des traitements donnés à quelques semaines d’intervalle pendant X temps», fait-il savoir.

M. Goulet demeure néanmoins catégorique : «ce traitement ne guérit pas.»

Par ailleurs, il note que les électrochocs sont fréquemment administrés à des personnes vulnérables, notamment à des femmes âgées.

«Deux électrochocs sur trois sont administrés aux femmes et la grande majorité de celles-ci sont âgées. Historiquement, la dépression avait un sexe : on médicamentait davantage les femmes, voilà ce qui explique en partie ces données», précise-t-il, disant ne pas comprendre comment les psychiatres parviennent à avoir un consentement éclairé des patients qui ne sont souvent pas sains d’esprit.

Il ajoute que ce qui se passe au Centre-du-Québec tend à démontrer que le recours aux électrochocs est davantage fonction des croyances personnelles de certains médecins que de l’état de santé objectif des patients.

Malgré les demandes répétées du comité Pare-Chocs auprès du ministère de la Santé et de l’avis de l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux qui considérait dès 2002 que les incertitudes quant à l’efficacité et aux risques de l’ECT demeurent importantes, la pratique des électrochocs est toujours sans surveillance au Québec, au grand désespoir de M. Goulet.

«Aucune des sept recommandations du rapport de l’Institut n’a été appliquée. De plus, l’inaction du ministère est inacceptable. On nous a répondu que puisque cette technique n’est pas très répandue et qu’elle ne concerne que très peu de personnes, il n’y aurait rien de fait en ce sens. Pour nous, ce n’est pas un argument valable.»

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