Des organismes déplorent le manque d’accès aux services publics

Des organismes déplorent le manque d’accès aux services publics
La Maison Habit-Action est située sur la rue Lindsay. 

SANTÉ MENTALE. Les intervenants d’organismes communautaires se heurtent souvent à un mur lorsqu’ils se présentent à l’hôpital en présence d’un jeune désorganisé. À Drummondville, on n’échapperait pas à la règle. Danielle Gauthier et Francis Lacharité, respectivement directrice générale de la maison Habit-Action et coordonnateur clinique au Refuge la piaule, peuvent en témoigner.

«Lorsque ces personnes n’ont pas de diagnostic, on doit attendre des heures à l’urgence. Il n’y a pas de mécanisme d’accès aux services de première ligne pour les jeunes en crise. La création du CIUSSS est venue compliquer le portrait. Je me souviens qu’on pouvait téléphoner une personne au triage avant de se rendre et à notre arrivée, le jeune pouvait voir un médecin. Maintenant, ce n’est plus possible et en plus, il n’y a plus de médecins disponibles pour ce type de cas au CLSC», explique Mme Gauthier, indiquant que les autres organismes de Drummondville oeuvrant auprès des personnes en situation d’itinérance sont confrontés à cette réalité.

Celle-ci affirme que le problème ne s’arrête pas là.

«À plusieurs reprises, et encore la semaine dernière, étant donné que le jeune est pris en charge par nos intervenants, on nous a dit que nous étions en mesure de faire quelque chose pour lui et d’attendre qu’il soit encore plus en crise. Ça n’a pas de sens. Même quand on énonce clairement qu’il y a un problème, on se rive à des portes fermées. Si on consulte, c’est parce qu’il y a quelque chose qui nous préoccupe. C’est choquant qu’on ne reconnaisse pas notre expertise», dénonce-t-elle, en ajoutant que bien souvent, les situations se dégradent.

«Il faut repartir encore plus loin et ça, c’est quand on ne les perd pas de vue ou qu’un incident dramatique survient. Nous avons vécu un cas de suicide la semaine dernière. On le connaissait depuis des années. L’aide n’a pas suivi. Même les demandes de la famille étaient rejetées par des fins de non-recevoir», souligne-t-elle.

Le refus de voir un patient sans carte d’assurance-maladie est également une situation courante, selon Mme Gauthier et M. Lacharité.

«Dernièrement, un jeune très malade s’est fait virer de bord, même s’il était accompagné par un intervenant. Ça ne devrait pas se faire. Ce genre de situation vient décourager la personne concernée», estime la directrice générale de la Maison Habit-Action.

Pour ces intervenants tout comme pour leurs collègues, ces problèmes d’accès combinés au manque de formation entraînent un sentiment d’impuissance. Ils ont des limites dans ce qu’ils peuvent faire. «Nous ne sommes pas des psychologues ou bien des psychiatres. Nous sommes là pour accompagner les jeunes et les écouter», font-ils valoir.

Médicalisation

Tout comme ce qui a été soulevé lors de la consultation menant au Forum jeunes et santé mentale : pour un regard différent, Mme Gauthier et M. Lacharité sont d’avis que la pilule n’est pas la solution à tous les maux. Il importe de considérer le contexte entourant les comportements.

«La médicamentation peut être très bonne pour certains, mais ce que je déplore, c’est la médicalisation abusive des problèmes sociaux», soutient M. Lacharité.

«Le médicament est rendu un réflexe. On le voit au quotidien. Je suis très préoccupée par ça et par le fait qu’on émet des diagnostics sur les difficultés des jeunes», confie Mme Gauthier.

«Il y a comme un paradoxe, d’un côté, il y a trop de diagnostics et de l’autre, lorsqu’il n’y en a pas, les services publics ne sont pas accessibles», laisse-t-elle tomber.

Soulignons qu’une rencontre entre trois médecins du CLSC Drummond et des représentants d’organismes se tiendra le 2 mai prochain.

«Ils nous ont interpellés pour aborder certains points. Nous sentons qu’ils sont ouverts. Je suis très enchantée par cette initiative», exprime Mme Gauthier.

Équipe de proximité

Afin de faciliter l’accès aux services, une équipe de proximité a été constituée il y a environ trois ans au Refuge la piaule. «L’idée est d’aller vers les personnes en détresse plutôt que d’attendre qu’elles aillent vers les services, sans toutefois leur imposer quoi que ce soit», précise Francis Lacharité, coordonnateur clinique au Refuge la piaule.

L’équipe s’est élargie au fil du temps et est maintenant composée de deux infirmières en santé sexuelle, un travailleur social du CLSC Drummond, une intervenante spécialisée en dépendance de Domrémy Mauricie/Centre-du-Québec ainsi qu’une travailleuse de rue du Refuge.

Celui-ci souhaite voir un jour un médecin se greffer à l’équipe. «Ce serait un gros plus», exprime-t-il, en soulignant que ce service est aussi accessible pour la clientèle des autres organismes spécialisés en itinérance.

Pour lui, il est primordial de maintenir ce projet de collaboration et de le consolider dans les années à venir. «On évite bien du stress et de l’anxiété pour les personnes accompagnées et ultimement, ça évite des situations de crise à l’urgence. C’est gagnant pour une communauté d’aller au-devant des problèmes, parce qu’on réduit l’itinérance et les risques potentiels de surconsommation», affirme-t-il.

L’équipe de proximité a été mise sur pied en collaboration avec le CSSS Drummond, Domrémy Mauricie/Centre-du-Québec, Habit-Action et Le Refuge la piaule.

 

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