«Une voie ferrée exécrable»

Par Dany Jacques
«Une voie ferrée exécrable»

Traverses de bois pourris (des dormants dans le jargon) et crampons manquants ou instables donnent l'impression d'un segment abandonné près du chemin Miletta. <@CP>(photo : Dany Jacques)<@$p>

Deux experts des chemins de fer émettent un inquiétant constat sur l’état du chemin de fer traversant la MRC de Memphrémagog, la même section empruntée quotidiennement par des trains pétroliers de la compagnie Montreal, Maine and Atlantic (MMA) avant la catastrophe de Lac-Mégantic.

Le président du Fonds mondial du patrimoine ferroviaire, Denis Allard, ainsi que Pierre Fallu, associé principal de l’Institut ferroviaire du Québec, réagissent ainsi à l’inspection visuelle réalisée par Le Reflet du Lac, le 11 juillet dernier.

La section visitée passe au-dessus du chemin Miletta. Traverses de bois pourris (des dormants dans le jargon) et crampons manquants ou instables donnent l’impression d’un segment abandonné. Un dormant sur dix est pourri. Les crampons, qui servent à fixer le rail aux dormants, s’enlèvent à la main par dizaines sans forcer. Des boulons sont parfois desserrés.

Ce piètre état de la même voie ferrée a été constaté par un citoyen à la hauteur d’Eastman entre les chemins George-Bonnalie et Orford sur le Lac.

Un autre contribuable outré a diffusé une vidéo sur YouTube (http://www.youtube.com/watch?v=6budQUJ8MQQ. Les images montrent des crampons de fer instables et des dormants pourris, mais entre la pointe Merry et le Marché Végétarien, à deux pas du centre-ville de Magog.

Des collègues de TC Média ont également observé une piètre qualité de la voie ferrée à Cowansville et Farnham, deux autres municipalités également empruntés par les trains pétroliers de l’entreprise MMA. Selon les mêmes experts, il n’est pas normal de retirer un crampon à la main, que ce soit dans les MRC de Memphrémagog, de Brome-Missisquoi ou ailleurs au Québec.

Denis Allard rappelle qu’un manque d’entretien, comme on le constate dans la région, réduit l’adhérence des trains sur les rails au fil des ans. «Ces lacunes expliquent une partie de la tragédie de Lac-Mégantic, surtout que la compagnie MMA n’était tout simplement pas prête à prévenir cette catastrophe. Dans Memphrémagog, compte tenu de la présence de rails très mal en point, une simple pluie risque de provoquer un déraillement», prévient-il.

Voilà pourquoi M. Allard demande au gouvernement fédéral de révoquer le permis de transport de matières dangereuses de MMA, le temps de corriger le tir.

Pas de danger pour l’Orford Express

Malgré son constat, Denis Allard ne s’inquiète pas en parlant du train touristique Orford Express, qui sillonne le même tronçon avec des passagers à bord. Son poids beaucoup plus léger élimine les risques d’accident, selon lui.

Pierre Fallu, associé principal de l’Institut ferroviaire du Québec, répète depuis quelques jours que les pratiques de MMA ne reflètent aucunement les normes et pratiques habituelles de cette industrie. Selon lui, les inspections régulières se font par voitures rail-route ou à pied dans les endroits stratégiques. «Les compagnies doivent être plus responsables, surtout avec le transport de matières dangereuses», signale-t-il.

M. Fallu espère que les autorités compétentes exigeront une inspection complète du segment appartenant à MMA, en plus d’obliger la même entreprise à corriger le tir avant de remettre des wagons pétroliers sur les rails. «Actuellement, cela n’a tout simplement pas de bon sens, surtout si en plus on laisse la situation se dégrader», prévient-il.

Quant à la mairesse de Magog, Vicki May Hamm, elle demeure extrêmement inquiète. «De concert avec cinq municipalités, incluant Farnham et Cowansville, nous allons nous mobiliser pour faire pression sur le gouvernement fédéral afin de faire bouger les choses», ajoute-t-elle.

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